Politique

«La démocratie gabonaise se caractérise (…) depuis 1990 par la récurrence des crises post électorales» (André Adjo)

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C’est l’appréciation faite par le politologue André Adjo, enseignant à l’Université Omar Bongo (UOB) dans une interview accordée à l’AGP à l’occasion de la journée internationale de la démocratie célébrée le 15 septembre dernier.

Agence Gabonaise de Presse: Le monde entier célèbre  le 15 de chaque année, la journée internationale de la démocratie. Peut-on avoir l’historique de cette célébration ?

André Adjo : «Du 7 au 16 septembre 1997, la ville du Caire va accueillir la 98ème Conférence et réunions connexes de l’Union interparlementaire. Dans ce grand moment d’histoire, le Centre international des conférences du Caire abritera les travaux de la 161ème session du Conseil interparlementaire qui, au nom de l’Union interparlementaire examinera, dans son ordre du jour, de nombreuses questions dont un projet de déclaration universelle sur la démocratie. Ce projet de déclaration sera adopté sans vote à l’issue des travaux et rendu public le 16 septembre 1997. Il faut noter que pendant ces travaux, la délégation chinoise émettra quelques réserves. Cette démarche s’inscrivait dans une dynamique portée par l’ONU depuis le début des années 1990, avec entre autres, des engagements importants comme l’Agenda pour la démocratisation présentée par le Secrétaire général de l’ONU le 20 décembre 1996 à la 51ème session de l’Assemblée générale des Nations unies. Dix ans plus tard, c’est-à-dire le 13 décembre 2007, l’Organisation des nations unies va instituer, le 8 novembre 2007 lors de la 46ème plénière de l’Assemblée générale, la journée internationale de la démocratie sur la base de la résolution A/ RES/62/7. Dans cette résolution, les Nations unies précisaient que cette célébration aura lieu tous les 15 septembre de chaque année. C’est une volonté d’institutionnalisation de la démocratie par ces organisations internationales notamment l’ONU et l’Union interparlementaire».

Dans son allocution de circonstance, le Secrétaire général de l’ONU a exhorté les gouvernements à être ouverts et transparents, réactifs et responsables dans leur réponse face à la Covid-19 et à veiller à ce que toutes les mesures d’exception soient légales, proportionnées, nécessaires et non discriminatoires. «La meilleure action est celle qui permet, d’une manière proportionnée, de parer aux menaces immédiates, tout en protégeant les droits de l’homme et l’état de droit», a-t-il dit. Avez-vous l’impression que le gouvernement gabonais s’est inscrit dans cette logique, dans les toutes les mesures de restriction prises dans la cadre de la lutte contre la propagation de la pandémie de  la Covid-19 ?

«Depuis au moins 1994 à travers la résolution 49/30 du 7 décembre 1994, l’ONU est ouvertement engagée dans un processus visant à encourager les Etats à embrasser la démocratie avec l’idée que « la démocratie, le développement et le respect de tous les droits de l’homme et libertés fondamentales sont interdépendant et se renforcent mutuellement ». Cependant, la tendance générale dans la lutte contre la Covid-19 fait apparaitre que beaucoup de gouvernements ont privilégié des mesures qui portaient atteinte significativement aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, éléments fondamentaux de l’expression démocratique. On a tous observé des manifestations publiques dans certains pays contre ces mesures restrictives de liberté. Il n’est donc pas étonnant que le Secrétaire général de l’ONU alerte sur ce type d’abus. Le Gabon est l’un des pays qui a restreint durement les libertés fondamentales pour lutter contre cette pandémie. Aujourd’hui encore, certaines mesures demeurent, alors même que le spectre d’une crise sanitaire importante s’éloigne heureusement. Si le gouvernement a toujours pris des mesures couvertes par le sceau de la légalité, certaines mesures semblaient disproportionnées et en décalage avec le niveau développement de la société gabonaise, à l’image du confinement total qui a eu un impact social négatif».

Depuis l’avènement de la démocratie en 1990, quelle appréciation faites-vous du processus démocratique dans notre pays ? Quels sont les réformes à mettre en place pour améliorer davantage la démocratie gabonaise ? 

«La démocratie ne peut se résumer en un processus et encore moins à un objectif. Depuis 1990, le processus démocratique au Gabon interroge. Depuis un certain temps, la sociologie politique a marqué un intérêt pour «l’alternance». Dans cette optique, elle indique que l’une des échéances prévue et profitable, voire attendue, qui rythme la vie des régimes démocratiques et est supposée assurer leur «respiration», c’est l’alternance. Ce mot est consubstantiel de la doctrine démocratique. Lorsqu’elle s’institutionnalise et se banalise, l’alternance devient un indicateur de la bonne santé démocratique des systèmes de gouvernement, mais aussi et surtout un gage de performance démocratique. Depuis 1990, le Gabon vit une démocratie sans alternance. La démocratie gabonaise ne se limite-t-elle qu’au vote ? Avec cette perspective d’impossibilité d’alternance politique, il y a un risque, celui d’une affliction politique dommageable pour la société gabonaise. En outre, la démocratie gabonaise se caractérise aussi depuis 1990 par la récurrence des crises post électorales. Cette question soulève finalement celle de la confiance entre les acteurs politiques mais aussi celle du peuple vis-à-vis des institutions. Cette situation est emblématique d’un apprentissage douloureux avec le refus pour les acteurs d’accepter les règles élémentaires. Enfin, il y a les nombreux dialogues (les Accords de Paris, les Accords d’Arambo, les Accords d’Angondjé, etc…) qui ne règlent jamais que les seules questions inhérentes aux carrières des hommes politiques, les questions qui concernent l’avenir du Gabon devenant accessoires. Pour ce pays, je pense depuis longtemps que les réformes à mettre en place pour améliorer la démocratie gabonaise doivent impérativement aller dans le sens de l’institutionnalisation de l’alternance et l’adoption des mesures qui encouragent la participation et le contrôle des populations sur la gestion de la cité, y compris dans les collectivités locales. Le retour de la confiance, de la motivation et de la mobilisation de tous est à ce prix».

Propos recueillis par Stéphane NGUEMA 
 

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