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Interview de Gervais Ango: « Depuis le 30 décembre 2020, nous n’avons plus de vie »

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Gervais Ango vit désormais dans une situation de précarité depuis la fermeture de son entreprise.

Dans une interview accordée à l’Agence gabonaise de presse (AGP) le weekend écoulé, Gervais Ango, entrepreneur gabonais qui a investi plus de 450 millions FCFA dans une entreprise d’élevage de poulets de chairs au Sénégal, avant de déposer bilan, à la suite d’une forme de xénophobie et d’escroquerie de la part des responsables du mastodonte SEDIMA, revient sur sa mésaventure et sollicite l’intervention des plus hautes autorités gabonaises.

AGP : Vous vous retrouvez en conflit avec votre partenaire SEDIMA, au point où votre entreprise a mis la clé sous le paillasson. Quand débute exactement vos problèmes et que vous reproche-t-on ?

Gervais Ango: notre société a été créée le 08 mai 2015 sous le RCCM NSN-DKR-2015-B-9914, et nous estimons l’ensemble de nos biens et efforts financiers consentis à plus de 450 millions FCFA, à ce jour.   Au terme d’une longue et pénible période de réalisation des travaux et installations, nous démarrons enfin l’exploitation de la ferme le 13 février 2020, et les problèmes avec notre partenaire SEDIMA débuteront le 1er mars 2020, soit 17 jours plus tard seulement, avec la livraison d’un important lot d’aliments hautement contaminés par l’aflatoxine cancérigène pour l’humain et résistant à la cuisson. Très clairement, cette situation n’était pas loin de devenir un sérieux cas de santé publique au Sénégal, au regard de l’important réseau de distribution de ce provendiers. Fort heureusement, l’usine a été entièrement nettoyée et l’important lot de tourteau non utilisé détruits. Que pouvaient-ils avoir à nous reprocher ? Sur ce coup par exemple, ayant alerté notre partenaire, il nous sera peut-être reproché de l’avoir fait un peu trop tôt. Notre partenaire s’étant muré dans un silence de cathédrale durant des mois, nous étions contraints de lui adresser un courrier de réclamation formelle. Mais malgré notre réactivité empreinte de bonne volonté pour faire prévaloir les échanges, les incidents iront crescendo. L’incident relaté ci-dessus n’est que le premier d’une longue série, et nous ne tarderons pas à découvrir que leur objectif était de monitorer la rentabilité et la trésorerie de notre exploitation à leur guise par leurs programmations arbitraires et fourberies dans le but de s’en emparer.

Avez-vous saisi les autorités judiciaires pour vous faire entendre et revendiquer ce qui vous revient de droit ?

C’est suite aux malversations flagrantes sur les poids et mesures intervenus dans la nuit du 30 au 31 décembre 2020, aux mensonges et au mépris qui ont suivi que nous avons décidé de porter l’affaire à notre représentation diplomatique. Dans sa démarche conciliatrice et saluée par sa hiérarchie, le Représentant de la République du Gabon au Sénégal a informé le gouvernement, notamment son ministre des Affaires Etrangères, et sollicité par la même occasion un entretien avec monsieur Babacar NGOM dans un courrier du 30 avril 2021 qui lui était adressé.  Ce dernier, qui ne répondra que 60 jours plus tard, relèguera notre diplomate à sa hiérarchie inférieure. Faisant état des instructions données à sa Direction Générale pour « prendre toutes les dispositions idoines pour apporter une solution pour fluidifier la collaboration » dans cette affaire qu’il qualifie de « malentendu », il n’en sera rien. « Monsieur Babacar NGOM et Mme DIAWARA du groupe SEDIMA se prennent pour des intouchables » s’exclamera-t-il. Très clairement, ils méprisent le Haut Représentant de la République du Gabon au Sénégal. « Qu’est-ce que votre Ambassadeur peut faire ? » nous avait lancé Mme DIAWARA.  SEDIMA refusera de nous rencontrer en présence du représentant de notre Ambassade, et le même jour, sollicitera une audience auprès de notre Ambassadeur sans requérir notre présence afin de tenter de le dissuader, de manière perfide, de s’en mêler et de minimiser la gravité de leurs méfaits, mais en vain. Toujours dans sa démarche conciliatrice, Son Excellence l’Ambassadeur ira jusqu’à solliciter les bons offices d’un ami et proche de monsieur qui a fait fortune au Gabon. Ce dernier reviendra nous dire que pour M. Babacar NGOM, il ne peut y avoir qu’une seule solution : « c’est que je leur cède ma ferme ». Notre Ambassadeur lui répliquera donc aussitôt « c’est donc ça qui était le but de la manœuvre depuis le début ».

Après toutes ces péripéties, avez-vous continué votre exploitation ?

Non. Dans ces conditions, comment honorer nos engagements sociaux et familiaux ? Toutes ces manœuvres d’escroquerie nous ont contraint à arrêter notre exploitation le 30 décembre 2020. Le 05 octobre 2021, nous avons transmis notre notification du préjudice économique et moral arrêté à cette date à M. Moustapha DIOP (Directeur Général Adjoint à Sedima). Ce dernier gardera le document tout en refusant d’en accuser réception, en présence du Premier Conseiller de l’Ambassade du Gabon et de M. Alassane SAMB Directeur des affaires juridiques de SEDIMA. Explicite dans sa pertinence et sa méthode de calcul, l’évaluation de ce préjudice aura du mal à être contestée. D’ailleurs, M. Moustapha DIOP y reconnaitra d’emblée les chiffres de sa propre comptabilité. Sur le plan économique, le dommage s’élève exactement à 177.345 FCFA par jour aux conditions qui ont prévalu lors de l’exécution du contrat. Il s’étalera sur 871 jours au 31 décembre 2022. Sur le plan moral, la réparation équivaudra à la valeur que le premier responsable de ce groupe, M. Babacar NGOM, accorde à 871 jours de sa vie, s’il était privé de toutes possibilités de subvenir aux besoins de sa famille, de faire face à ses engagements, de défendre son honneur et sa dignité.

 C’est dire que vous vivez dans une situation de précarité actuellement ?

Depuis cette affaire qui date de fin 2020, nous n’avons pas de vie ma famille et moi. Notre santé se dégrade progressivement et le père de famille que je suis, privé de sa seule source de revenu, vit depuis ce temps sans filet social et financier.

Des questions de dédommagement ont-elles été évoquées depuis que vous avez initié vos démarches ?

Non, pas du tout. Bien au contraire, nos protagonistes dans leur grande fourberie perfide, font habilement jouer le temps en leur faveur. Ils misent dans l’usure après avoir évité toutes confrontations des arguments à plusieurs reprises et en gardant le silence.

Avez-vous eu un retour de la part des autorités gabonaises ?

Hormis les actions évoquées entreprises par le chef de notre mission diplomatique au Sénégal, le gouvernement de la République du Gabon qui est informé par son canal reste à ce jour sans réaction concrète. Autrement, nous en serions informés. Seulement voilà, 871 jours vont bientôt s’écouler.  Aujourd’hui, grâce aux médias sociaux et à la presse, tous les gabonais sont informés du traitement infligé à leur compatriote au Sénégal par un multimilliardaire sénégalais, un intouchable obnubilé par l’appât du gain et ses acolytes.  Cette situation est d’autant plus révoltante qu’il est de notoriété publique que le Gabon, notre petit pays d’Afrique Centrale est en paix avec le Sénégal depuis toujours.

Votre mot de la fin

Mon mot de la fin est une interpellation au chef de l’Etat, au gouvernement et aux députés de la République.  Excellence, Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat, à chacun des membres de notre Gouvernement, aux illustres Députés de notre représentation nationale, ici interpellés individuellement et collectivement, les temps évoluent, les Gabonais aussi, quoiqu’on en dise.  Seulement, nous nous interrogeons sur la capacité de notre Etat à comprendre la nécessité de suivre, d’accompagner et d’agir pour promouvoir et défendre les intérêts économiques des nationaux, là où ils sont piétinés et où que ceux-ci s’expriment.

Propos recueillis par VEM

Valerie EZEME MBO

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