Iselle Akwoue, auteure de ‘’Condamnés à Réussir’’, mentor female advocacy Femme Action et Développement Niger, Ambassadrice Nda Otiti, exhorte les femmes, dans ce libre propos, à comprendre que la Journée internationale des droits de la femme leur rappelle que le Droit du genre, le fondement même de la légitimité de se réaliser pleinement et de contribuer à la construction du monde, est encore si difficile à obtenir qu’il existe une journée pour en rappeler le combat.
Libre propos
Une condition de justice, et de justesse…
Non, nous ne fêtons pas le 8 Mars la fête des femmes, ni la fête des mères. Cette journée nous rappelle que le Droit du genre, le fondement même de la légitimité de se réaliser pleinement et de contribuer à la construction du monde, est encore si difficile à obtenir qu’il existe une journée pour en rappeler le combat.
En 2021, mais oui, je vis encore dans un monde où, en tant que mère de deux filles, chaque jour qui passe, je me pose la question : Comment écarter au forceps les barrières que le monde nous impose? La Journée Internationale des Droits de la femme 2021 a pour thème « Leadership féminin : Pour un futur égalitaire dans le monde de la Covid-19 ». Un environnement égalitaire au milieu d’une pandémie qui n’a eu de cesse depuis un an, d’asphyxier les femmes et d’amoindrir nos victoires. Oui, la catastrocovid a frêné nos ardeurs en faisant peser plus lourds sur nos épaules les fardeaux que nous portions déjà avec difficulté. Alors quand je nous regarde, je suis à la recherche de traces indélébiles. Des traces qui doivent être étudiées, des contraintes qui doivent être directement identifiées pour être démystifiées. Des pistes de solutions pour oser parler de nous projeter dans un monde après covid-19 si nous avons su gérer la crise.
Alors que l’Asie a une gestion pandémique poussée et positive, que l’Europe gère au pilotage à vue et en mode stop and go, que les Amériques découvrent le fondé d’un sérieux système de santé, et que la grâce de Dieu protège l’Afrique au-delà de ses ressources, la pandémie continue de tester la force de gouverner de nos dirigeants, avec au front, encore plus exposées que jamais auparavant, la femme. Je choisis de me pencher sur trois aspects fondamentaux de nos droits, dont le traitement me permettra de regarder sans sourciller ma fille aînée, qui aura quinze ans cette semaine, quand je lui dirai que tout ce qu’il y a en elle est possible et qu’elle est condamnée à réussir.
Dénormalisons une fois pour toute la violence aux femmes
Les ONG rapportent comme dommages collatéraux de la covid-19 une croissance de l’exploitation sexuelle, des mariages d’enfants et du retrait des filles de l’école pour travailler. La crise sanitaire, ses difficultés financières et son insécurité, les restrictions de déplacement, le confinement, la vulnérabilité des sources de revenus des femmes dont le taux d’activité au sein du secteur informel dépasse les 88%, ont amplifié les poches d’exploitation sexuelle et de violences domestiques. La femme – particulièrement la femme noire-, n’est pas encore perçue socialement comme étant méritante de protection, comme le démontre la série documentaire de Netfix Surviving R Kelly. La violence contre la femme sera toujours consensuelle tant que la société sera complaisante et que le terme ‘supporter’ sera assimilé à notre capacité à endurer la souffrance comme si c’était une magnifique forme de résilience.
Vers qui nous tourner ? Les centres sociaux, services judiciaires, soutiens psychologiques, aux ressources insuffisantes, au personnel surchargé, ne peuvent combattre la pandémie sans une concrète politique de lutte globalisée. Le concept des campagnes de sensibilisation est trop ponctuel pour créer un changement de mentalité. Ce n’est pas le travail de la femme seule ; c’est aussi celui de l’homme qui éduque son fils, c’est celui des enseignants qui éduquent et encadrent, celui des figures d’inspiration et des mentors qui brisent les tabous sociaux et osent percer les douloureux abcès qui stigmatisent encore la femme, c’est celui des responsables religieux, du pouvoir judiciaire et de la force exécutive. Le rapport d’ONU Femmes est clair : « La réponse à la pandémie ne se limite pas à rectifier des inégalités de longue date, il s’agit également de bâtir un monde résilient dans l’intérêt de tous, où les femmes sont au centre et aident au relèvement ».
Renforcer le mécanisme de protection sanitaire des femmes
810 femmes meurent encore chaque jour de causes liées à la grossesse ou l’accouchement. 500 millions de femmes ne disposent pas encore d’installations adéquates pour leur hygiène intime et menstruelle, à l’aube de la journée mondiale de la lutte contre l’endométriose de Mars 2021.
Il est de l’intérêt de tous de protéger la femme, car son rôle est capital et au front de la lutte pandémique. Nous sommes 70% du personnel de santé, des infirmières aux agents communautaires, des chercheuses scientifiques aux restauratrices en passant par le personnel de maisons et toutes les autres breadwinners qui doivent renforcer les revenus pour élever nos enfants, notre génération future, en s’exposant chaque jour au contact physique malgré la distanciation sociale ! « Nous choisissons de contester, toutes les normes sociétales, institutions et pratiques enracinées qui suppriment les femmes et les empêchent d'atteindre leur plein potentiel ». Adesimbo Ukiri, CEO de l’Organisme de soins de santé Avon, signe ainsi son appréciation du 8 Mars 2021. Les longs discours de riposte à la pandémie n’empêcheront pas la maladie d’affecter les femmes tant qu’elles seront toujours aussi vulnérables. Réaliser une effective et efficace mesure de riposte passe essentiellement, et non pas optionnellement, par des mécanismes de renforcement de l’accès aux soins par les filles et les femmes.
Ces mécanismes de protection doivent inclure la participation féminine aux postes de décisions. Nous ne sommes que 3% des médiateurs et 13% des négociateurs à la table de décision. Allons plus loin que le fait de compter sur le faible taux de leadership féminin qu’est le notre, et allons à la rencontre de toute population qui peut exprimer des pistes de solutions traçables. Le gouvernement canadien a ouvert sur sa page un onglet ‘Vos conseils et idées’ pour combattre la pandémie. Il faut s’inspirer de ce qui se fait de bien ailleurs et impliquer le dialogue social tel que l’a fait avec briot Johnson Sirleaf lors de sa consultation des chefs de quartier et de tous les leaders communautaires durant la gestion de la crise ebola sous son mandat. Chaque coin de nos pays, chaque détour de nos quartiers, est une opportunité d’écouter la voix d’une femme et de tenir compte de ses conseils.
Appliquons un levier incontournable pour surmonter la fracture économique
Et voici la priorité de mes zones de formation et d’action en 2021 : la liberté financière. Nous épargnons moins, nous gagnons moins, nous avons moins d’opportunité que les hommes, c’est un fait. Nous devons former nos sœurs. Le droit, c’est aussi une parité d’opportunité de carrière professionnelle avec des salaires à la hauteur de nos compétences et nos sacrifices. Le droit que nous voulons, c’est celui de ne pas devoir se contenter des petits bouts de chandelles d’investissement que nous accordent certains programmes pour nous lancer dans l’entrepreneuriat, sans visibilité de durabilité des affaires. Nous voulons aller au-delà, être bankable et accompagnées pour que nos entreprises dirigées par des femmes dépassent la barre de petites structures vulnérables. Pour passer du statut de fragile entrepreneur à celui de personnalité des affaires, nous avons besoin de plus d’initiatives tels que les programmes de formation financière pour l’égalité des genres et l’inclusion financière initiés par l’African Women Business Initiative de la Banque Africaine de Développement. Ne pas seulement nous parler de « comment générer un petit fond de commerce » mais oser décortiquer le retour sur investissement, le fonctionnement de fonds de roulements, l’attractivité pour les investisseurs, d’audit interne, de reporting contractuels et d’états financiers, à celles qui sont déjà sur le marché depuis des années et ont encore besoin du Push pour asseoir leurs compétences organisationnelles et en gestion de crise durant la crise. Un soutien particulier car les femmes sont majoritairement dans les secteurs fragilisés ou innovateurs dans les services, les startups, nouvelles technologies, l’événementiel, le tourisme, la restauration.
Ecobank a donné le ton fin 2020 avec une superbe initiative, « Ellever », un programme destiné aux entreprises dirigées par des femmes ou orientées sur les femmes dans 33 pays d’Afrique. Les solutions financières customisées permettant de former celles qui représentent un tiers des PME africaines enregistrées. La collaboration entre les instances financières et les gouvernements sont essentiels pour l’implémentation d’un environnement économiquement propose à la réussite des femmes. «Nous croyons fermement qu’elles sont le catalyseur du changement et de la prospérité. Ellever, offre aux femmes l’opportunité de prendre la place qui leur revient dans le développement économique Nous travaillerons sur le potentiel des femmes africaines et créer des opportunités d’affaires inclusives.», citait Dossou-d’Almeida, Ministre du développement de la jeunesse et de l’emploi des jeunes au Togo.
Il nous faut décortiquer les recommandations de l’OIT, dont la mise en place d’un dialogue social pour l’instauration d’un respect des droits au travail par politiques efficaces, équitables et compatibles avec nos réalités, des plans de relance macro-économiques ne soient pas juste des Powerpoint sans futur, prendre des mesures pour réduire les écarts d’accès à l’emploi et la promotion.
Pour ma part, la satisfaction d’être mentor et partenaire de l’ONG Femmes Actions et Développement Niger, qui a abouti après plus de trois ans de formation en leadership et participation politique féminine, à un taux de participation sans précédent aux élections présidentielles, et à la signature d’une convention d’engagement pour l’inclusion entre plus de trente partis politiques, a fait place à une pression pour 2021 : mon soutien au projet communautaire « Nda Otiti » , qui signifie « la maison des étoiles » en langue fang, projet mis en place par la plateforme « Antô Winners » pour accompagner les femmes et les jeunes filles gabonaises. Nous travaillerons dur avec tous les partenaires volontaires pour vaincre l’ombre du spectre covid-19 et :
• Favoriser l’accompagnement psychosocial des filles et jeunes femmes ;
• Garantir un accompagnement sanitaire surtout autour des périodes de maternité difficiles
• Créer des salles de formation sur les métiers valorisants ;
• Encadrer le planning familial et les jeunes filles déscolarisées ;
• Renforcer efficacement les capacités des jeunes femmes sans emplois ;
• Impulser une dynamique de création d’activités génératrices de revenus ;
• Encadrer les jeunes filles qui sont encore scolarisées par des aides aux devoirs et préparation aux examens ;
• Accompagner les jeunes femmes dans la recherche d’emplois et de stages ;
• Booster la compétence de la workforce féminine professionnelle et entrepreneuriale.
Nous ne sommes pas merveilleuses parce que nous prenons sur nous, nous sommes sublimes même quand nous baissons les bras, le temps d’une bataille.
Je nous exhorte enfin toutes et tous, durant tout ce mois à suivre la série de 40 podcasts produits par la présidente de l’Association Femmes Au Quotidien, Alexandra Ngann Yonn. Le projet ‘Mises en quarantaine’, donne la parole à 40 femmes sur les thèmes qui nous concernent, de la stérilité au concept du bonheur en passant par le deuil ou l’infirmité, triomphant de l’isolement des femmes africaines dans leur quotidien. De Douala à Dakar, en passant par Kinshasa, Libreville, Ouaga ou encore Conakry, Alexandra Ngann Yonn, en nous donnant la parole, offre au monde un package de liberté, de compassion, de compréhension et de connaissance. Tel que le dit Joanne Kennett, Senior Manager, Inclusion & Diversity Group Procurement & Partnerships à Westpac, notre plus grand défi est encore de nous faire une place dans un monde dominé par les hommes, mais aussi d’être prises au sérieux et soutenues entre femmes. « Pensez à ce que nous considérons comme normal et comment cela empêche l'inclusion et la diversité de s'épanouir »… Plus que jamais, nous devons déconstruire les bouts de fardeaux que la société pose sur nos épaules, un système qui nous charge de responsabilités sans toujours nous donner de levier.
Je déclare devant chacune de nous toutes, que le 8 Mars ne sera bientôt plus une simple journée, chacune des femmes qui compose la mosaïque d'une condition encore morcelée par la crise pandémique aura les mots justes. J’ai la foi en non pas une date, mais un ordre, une ode de vie, un blueprint nouveau. Toi seule qui me lis, oui, juste toi, tiens moi la main et laisse nos doigts s'entrelacer.
Fais-moi sourire comme je prie pour toi.
Nous sommes influentes.
Nous sommes prêtes.
Nous sommes formées.
Nous sommes puissantes.
Nous sommes décomplexées ; solidaires ; vraies, volontaires, uniques, dignes, et légitimes.
Nous ne pouvons pas obtenir ce dont nous ne sommes pas conscientes, nous ne pouvons nous investir au-delà de nos êtres pour des causes qui exploitent nos dons plus qu’elles ne nous épanouissent.
Notre Droit de demain ne sera jamais que la résultante de nos combats d’aujourd’hui.
Plus que jamais, osons déployer nos bras et être libres de conjuguer notre action dans ce monde au féminin. Nous ne serons plus seulement des discours entendus, mais des voix comprises.
Je vous laisse avec cette magnifique lance d’Ujinga Tambwe, sur le Bonheur pour Mises en Quarantaine : «Je suis libre de vivre comme je l’entends sans rendre compte à qui que ce soit, à l’exception de mon Dieu. Je suis libre de choisir pour moi-même, de me tromper, de tomber, de briller, de déranger, e bousculer et ce, en toute quiétude. Et c’est ce à quoi je m’applique chaque jour désormais».
Nous sommes condamnés à réussir
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