Le Procureur général près la Cour d'appel judiciaire d’Oyem, la capitale provinciale du Woleu-Ntem (Nord),Rufin Dikoumba, a dressé un tableau sombre des activités du tribunal d'Oyem, pour l'année judiciaire 2019-2020 notamment, à l’occasion de la rentrée judiciaire 2020-2021 qui s’ouvre.
Premiers de cordée, les officiers de police judiciaire (OPJ) sont passés à la trappe, le magistrat hors catégorie leur reprochant tour à tour l'absence du port de tous les insignes distinctifs de l'autorité qu'il représente (police, gendarmerie), les actes de violence envers les magistrats, les violations des procédures, entre autres.
«Les missions des OPJ doivent être exécutées par des agents en uniforme portant tous les insignes distinctifs de l'autorité qu'ils représentent, lors des missions sur la voie publique. Ceci permet de distinguer l'agent véritable de l'Etat, de l'usurpateur déguisé», a tenu à rappeler le procureur général, insistant sur le respect des procédures qui doit conduire l'OPJ à rendre immédiatement compte au procureur de la République de la saisie de biens ou de l'interpellation d'un individu par ses soins.
«A l'égard des OPJ, le procureur général leur permet chaque début d'année d'être autorisés à accomplir leur mission et exercer leurs attributions par l'habilitation d’ailleurs accordée, conformément à l'article 25 du code de procédure pénale», a indiqué Rufin Dikoumba, soulignant à cet effet que les chefs des unités des divers corps remplissant les missions d'OPJ doivent transmettre la liste exhaustive des OPJ diplômés de leurs unités.
«Ainsi, les OPJ qui manquent à leur devoir peuvent, s'il le juge opportun, être suspendus, conformément à la loi, car aucun OPJ ne s'affranchit des ordres du parquet, qu'ils viennent du procureur de la République ou du procureur général», a martelé celui qui est par ailleurs procureur général adjoint près la Cour de cassation du Gabon, appelant à la discipline et au respect du magistrat.
A l'endroit des magistrats, greffiers et OPJ, le procureur général a appelé à plus de dynamisme dans l'exécution de leur mission ayant été conduit à observer que la justice dans la province du Woleu-Ntem n'a pas déploré de gros efforts dans la mise en œuvre des procédures initiées, pour les mener à terme.
«Si de nombreuses décisions ont été rendues, très peu ont été exécutées laissant de nombreux indélicats impunis (…) donnant l'impression d'une justice laxiste et permissive», a-t-il regretté, se désolant, dans cet ordre d'idées que les dossiers d'Appel, c'est à dire jugés par le tribunal, mais frappés d'appel par l'une des parties au procès soient souvent retenus au tribunal bien longtemps après le dépassement du délai d'un mois imparti voir après l'expiration des peines infligées aux personnes condamnées ayant fait appel.
«Cela met le parquet général dans l'embarras et la confusion (…) et à mon sens participe à ruiner la confiance en notre justice et s'apparente fort à un boycott de l'action de la justice, voir à un déni de justice», s'est exclamé l'homme de lois.
Les cabinets d'instruction ont également affiché de nombreuses insuffisances l'année judiciaire écoulée, à entendre Rufin Dikoumba.
Et pour cause, a-t-il relevé, ceux-ci n'ont pas toujours permis de suivre l'évolution des dossiers d'instruction et de contrôler la détention des inculpés en raison de l'inaccessibilité, durant l'année judiciaire, des fichiers des actes d'instruction et d'identification.
Bien plus, ces fiches lorsqu'elles arrivent sont pour la plupart maladroitement remplie à la main de manière laconique et ne donnent pas suffisamment de renseignements sur le juge en charge du cabinet.
«Il est apparu à la lecture desdites fiches que les délais de détention ne sont pas souvent bien contrôlés, sources d'embarras, de plus, pour le parquet général obligé parfois de libérer indûment des criminels»
«Mais le plus marquant c'est qu'en dépit de la longueur des délais, des criminels restent plus de huit mois sans être interrogés, mettant ainsi en péril l'issue de l'investigation criminelle alors même que les victimes sont connues (…) certains détenus restent emprisonnés plus de cinq ans, mais les magistrats ne daignent pas clôturer leur dossiers», a martelé le procureur général, ajoutant que cette situation a pour conséquence des cabinets bondés de dossiers criminels comme expressément retardés, pendant que les mis en cause remplissent les prisons ou les places viennent à manquer.
«Cette image des cabinets à l'arrêt peut s'améliorer si les juges d'instruction élaborent un calendrier d'interrogatoire rigoureusement suivi», a recommandé le haut magistrat, appelant les uns et les autres à veiller à ce que les manquements observés ne viennent point entraver l'année judiciaire 2020-2021 qui s'ouvre sous le thème «La hiérarchisation du parquet, l'habilitation de l'OPJ et l'encadrement des missions d'OPJ».
Ernest Mvie Mendame
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