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Liliane Massala : «Le rôle de l’ambassade est de protéger les Gabonais de France»

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Madame Liliane Massala procède à l'identification des gabonais de France ainsi que leurs mouvements associatifs en vue d'une meilleure protection.

Dans cette interview accordée à la rédaction du journal Gabon matin le week-end écoulé, Madame Liliane Massala, Ambassadeur du Gabon en France et Haut Représentant du Gabon au sein de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), nous fait ici le point sur ses activités depuis sa prise de fonction, il y a un an. Des actions marquées, entre autres, par la mise en place des outils juridiques et administratifs visant une meilleure protection des Gabonais de France, ses rapports avec les activistes gabonais de France, que l’on sait frondeurs, ses missions, le fonctionnement de l’administration dont elle a la charge. Bref, la diplomate gabonaise salue en outre la volonté gouvernementale visant à rationaliser davantage les dépenses et à favoriser une relance de l’économie.

Gabon Matin : Quelles sont vos principales missions en tant qu’Ambassadeur et Haut Représentant du Gabon à l’OIF ?

Liliane Massala : «Il faut dire que mes fonctions sont très étendues du fait qu’elles sont à la fois bilatérales et multilatérales. Sur le plan bilatéral, conformément au décret organique du ministère des Affaires étrangères, de la Coopération Internationale et de la Francophonie (décret n°000652/PR/MAECF du 26 mai 2003), les missions principales de l’Ambassade sont réparties en sept (07) points : représenter le Gabon en France, au Portugal, en Suisse, à Monaco et à Andorre. Informer le gouvernement sur la situation et l’évolution politique, économique et sociale dans les pays d’accréditation, négocier avec les autorités des pays d’accueil, intervenir auprès des gouvernements étrangers, des organisations internationales ou organismes de défense pour soutenir et faire prévaloir les positions ou les requêtes gabonaises, promouvoir les relations entre le Gabon et les États accréditaires, protéger et assister les Gabonais à l’étranger, promouvoir la coopération internationale. En outre, ces missions, somme toute, traditionnelles respectent la Convention de Vienne de 1961 sur les Relations Diplomatiques. Elles sont actualisées par la « Lettre de mission » que le ministre des Affaires étrangères adresse à l’ambassadeur, sur les très hautes instructions du président de la République, chef de l’État. Élaborées sur une base périodique (annuelle, biannuelle ou tri-annuelle) et lors de la prise de fonction d’un nouvel ambassadeur, cette Lettre de mission fixe le cadre de l’exercice des activités de l’ambassade pendant une période. Concernant le volet multilatéral, il faut souligner que depuis 2017, l’ambassade haute représentation du Gabon en France est également Représentation permanente du Gabon auprès de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). En tant que telle, elle a pour missions de servir d’interface entre les autorités gabonaises et les organes de la Francophonie. Elle joue un rôle central dans les communications entre Libreville et l’OIF et les relations avec les autres organes de la Francophonie, de promouvoir et défendre les positions gabonaises auprès de la Francophonie et d’informer au mieux les autorités gabonaises sur l’action de la Francophonie, de participer à l’élaboration de l’ensemble des politiques et stratégies de la Francophonie, de prendre part aux réunions des Commissions et des groupes de travail à l’OIF ou auprès des autres organes de la Francophonie, d’assister les membres du gouvernement gabonais lors des réunions de la Conférence ministérielle de la Francophonie ou tout autre réunion et assister le président de la République et son équipe lors des réunions du sommet de la Francophonie, d’informer le MAE (Ministère des Affaires Etrangères) et tout autre entité concernée, des appels à candidature lancés aussi bien dans le cadre de la programmation que pour les recrutements à l’OIF, de veiller à la place des Gabonais au sein de l’OIF».

Bientôt un an aux commandes de l’ambassade du Gabon en France. Pouvez-vous nous faire le point sur vos activités et les difficultés rencontrées ?

«Je tiens tout d’abord à rappeler que le rôle de l’ambassade est essentiellement diplomatique, et sa mission consiste à œuvrer aux négociations entre les gouvernements. Elle a donc une fonction de représentation de son Etat auprès des autorités du pays d’accréditation. En tant qu’intermédiaire, c’est par elle que passe les messages dans le cadre des relations bilatérales. Par cette fonction informative, l’ambassadeur et son personnel rapportent à leur pays, par notes l’actualité ou toutes informations utiles du pays de résidence dans tous les domaines. En tant qu’ambassadeur haut représentant et représentant permanent du Gabon auprès de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), vous pouvez comprendre aisément l’étendue de mes fonctions ainsi des activités qui s’y déroulent. Depuis ma prise de fonction, comme je l’avais annoncé, j’ai tenu à renouer le fil avec les compatriotes Gabonais résidant en France. Dans cet esprit, nous avons procédé à l’identification et la localisation des associations dans le but d’un meilleur encadrement. C’est pourquoi, régulièrement nous échangeons avec certains leaders associatifs de façon à mutualiser les efforts dans certains projets à mettre en œuvre. En dépit du contexte sanitaire qui a ralenti mon programme d’activités depuis ma prise de fonction, le bilan d’étape permet de relever un certain nombre d’actions entreprises. Certes, des difficultés restent conjoncturelles et vécues de la même manière que les autres administrations du pays. Avec la forte détermination du chef de l’Etat qui impulse des politiques volontaristes et les orientations données au gouvernement notamment à travers certaines initiatives prises dans la relance de l’économie gabonaise, nous restons optimistes et avons bon espoir que le contexte actuel trouvera très vite des solutions».

Le ministre des Affaires étrangères lors de la rencontre avec le personnel diplomatique et local de l’ambassade du Gabon en France annonçait la réduction des effectifs. Ces mesures ne sont-elles pas de nature à réduire l’efficacité de votre action ?

«Il ne me revient pas de commenter la décision des plus hautes autorités du pays. Ce qui est vrai c’est que face à la crise conjoncturelle que traverse le pays, et qui a une incidence sur les ressources de l’Etat et sa capacité à honorer certaines charges liées au personnel, le gouvernement procède à une série de mesures visant à réduire efficacement ses dépenses. Il nous revient que le ministère des Affaires étrangères compte plus de 600 fonctionnaires à l’étranger. La décision de rappeler au pays 30% des effectifs répond à ces raisons évoquées. Dans cet objectif, les décideurs pensent, après diagnostic, qu’on n’a pas besoin d’autant d’agents pour faire le même travail. Raison pour laquelle les effectifs doivent être ramenés à un niveau acceptable et poursuivre des actions diplomatiques dans les secteurs vitaux. A l’heure actuelle, la carte diplomatique du Gabon est composée de 32 représentations diplomatiques à travers le monde, mais aussi de très nombreux consulats honoraires. La décision de revoir la nouvelle carte diplomatique et la réduction des effectifs répondent au souci d’optimisation des ressources humaines déployées dans les missions diplomatiques».

Avec plus de 15 000 Gabonais en France, la plus importante communauté des Gabonais installés à l’extérieur, avec un nombre accru d’étudiants, quelles sont les dispositions mises en place par l’ambassade pour aider les compatriotes tant en difficultés financières que sur le plan administratif ?

«Je voudrais tout d’abord indiquer que le rôle de l’ambassade est, entre autres, de protéger les compatriotes à l’étranger. Une communauté aussi forte regorge un nombre de compatriotes qui attendent de notre pays, à travers notre représentation diplomatique, quelques accompagnements de diverses natures. Si le contexte actuel, tel que décrit avant, ne donne pas assez de latitude à pouvoir assurer à de nombreux compatriotes qui en expriment le besoin, une assistance financière souhaitée, en revanche nos différents services peuvent se satisfaire de la qualité de l’accompagnement administratif assuré aux usagers. Ces dernières années, l’ambassade a été dotée d’un service exclusivement dédié aux étudiants, aussi bien pour des conventions d’inscriptions dans des bassins pédagogiques de référence, pour la gestion des procédures de demandes de bourses que pour leur suivi administratif, en termes de délivrance d’un certain nombre de documents liés à la scolarité ou au rapatriement. A ce titre, n’ayant pas de budget pour ces demandes, souvent nombreuses, nous essayons d’apporter des soutiens au cas par cas. Le but étant de soulager la souffrance de ces compatriotes en détresse. S’agissant des difficultés administratives, dans le cadre de la mission de défense des intérêts de l’Etat et d’assistance aux Gabonais de France, l’ambassade a procédé à la signature de la convention-cadre avec le Réseau international des avocats gabonais (RIAG). La signature de ce partenariat constitue un dispositif d’assistance juridique aux compatriotes en procès ou en conflit avec la justice française. Aussi, cette préoccupation m’a amené à échanger avec M. Didier Lallement, préfet de police de Paris, par ailleurs en charge de la zone du Grand Paris et sa petite Couronne sur les mesures de protection des Gabonais résidents en France. Pour les étudiants gabonais régulièrement en proie à des difficultés pour l’obtention et le renouvellement de leurs titres de séjour, ou de leur Autorisation provisoire de séjour (APS), un précieux document délivré de plein droit en vertu des accords franco-gabonais à tout Gabonais nouvellement diplômé, et en quête d’une première expérience professionnelle. Il ressort que nombre de Gabonais font face à ces obstacles dans les préfectures quant à la possibilité de faire appliquer ces dispositions. Au nombre de ces textes, il y a par exemple l’accord sur la gestion concertée des flux migratoires signé à Libreville le 5 juillet 2007 et complété par le décret n° 2008-900 du 3 septembre 2008 dont les articles 2.1 stipulent que « Les étudiants gabonais en France désireux de trouver un premier emploi auront accès, sur le sites internet de l’Agence Nationale pour l’Emploi (ANPE) et l’Agence pour l’emploi des cadres (APEC), à l’ensemble des offres d’emploi disponibles. Des perspectives de stages au cours de leur cursus leur seront présentées par les centres régionaux français des œuvres universitaires et scolaires (CROUS)».

Quels types de relations entretenez-vous avec la diaspora gabonaise de France notamment celle qualifiée d’ « activistes » ou «frondeuse» ? Avez-vous une méthode pour ramener la sérénité ?

«La France compte plus de 15000 Gabonais. Certains d’entre eux ont décidé, comme d’ailleurs les autres communautés, de s’y installer durablement. D’autres parmi eux, et non pas tous, ont exprimé depuis un moment leurs positions politiques. C’est leur droit surtout que le Gabon a fait le choix de s’ouvrir à la démocratie, c’est-à-dire au pluralisme d’opinions. Ce qui sous-entend que c’est le débat d’idées qui doit prévaloir en l’espèce. Or, nous avons enregistré des scènes de violences et d’insultes régulières à l’endroit de certaines personnalités. Je considère que tout ceci relève du passé et que, en tant que Gabonais, nous devrions renouer le fil du dialogue. En tout cas c’est tout le sens contenu dans ma lettre de mission. C’est donc dire que les Gabonais doivent se parler».

Depuis trois ans, la date du 17 août marquant la fête de l’indépendance du Gabon n’est plus célébrée à l’ambassade. Votre commentaire ?

«Vous avez effectivement raison de relever cela. Mais cette situation est due essentiellement à la pandémie covid-19 qui a freiné un certain nombre de nos initiatives. Le 17 août, date de l’accession de notre pays à la souveraine internationale, constitue le moment de communion entre compatriotes et les amis du Gabon. Nous suivons avec beaucoup d’attention l’évolution de la situation sanitaire en France. Si les signaux sont bons, nous verrons dans quelle mesure il sera possible de commémorer ce 61ème anniversaire de l’indépendance de notre pays».

Propos recueillis par Valérie Ezeme Mbo

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