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Football/ Éliminatoires CAN 2025 : «Le Gabon ne craint aucune équipe sur le continent africain» (Thierry Mouyouma)

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Le Sélectionneur national, Thierry Mouyouma.

Libreville, 12 août 2024 (AGP) – A l’approche de la publication de la liste des joueurs convoqués pour le début des éliminatoires de la CAN 2025 face au Maroc et la Centrafrique, le Sélectionneur national du Gabon, Thierry Mouyouma, a évoqué, au cours de cette interview exclusive à l’Agence Gabonaise de Presse / Gabon Matin, ses ambitions, sa philosophie de jeu, ses rapports avec les cadres de l’équipe, la situation contractuelle de ses collaborateurs, ainsi que le statut des footballeurs locaux privés de compétitions domestiques.

AGP/Gabon Matin : Coach, vous disiez lors de votre arrivée que la qualification du Gabon pour le Mondial 2026 était subsidiaire. Il s’avère aujourd’hui que le Gabon compte aujourd’hui neuf points après quatre journées et classé deuxième derrière la Côte d’Ivoire, le leader de la poule (10 points), est-ce toujours le cas?

Thierry Mouyouma : «Je pense que les objectifs restent les mêmes. La qualification pour la prochaine Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2025 reste notre objectif prioritaire. Celle pour le Mondial 2026 reste subsidiaire. C’est un rêve. Il nous reste six matchs importants à jouer et nous devons les prendre les uns après les autres. En ce qui concerne les éliminatoires de la Coupe du monde, on va marquer une pause parce que les éliminatoires de la CAN vont passer en propriété. Toutefois, le rêve de disputer une Coupe du monde est là, et ce dernier nous habite chaque jour. C’est un mini-Championnat comme on l’avait dit, il faut regarder la position des uns et des autres. Mais ce qu’il faut dire, c’est que la situation actuelle nous arrange. Notre rêve aujourd’hui est de pouvoir être dans la même position durant la période de septembre 2025 face à la Côte d’Ivoire en ayant la même situation. Entre-temps, il peut se passer des choses en mars 2025 en ayant joué d’autres matchs. Donc on peut passer devant la Côte d’Ivoire, se rapprocher d’eux ou s’en éloigner. L’objectif, pour nous, est donc de rester dans cette position et de jouer une finale ici au Gabon».

Dans moins d’un mois, le Gabon affronte le Maroc à Agadir (6 septembre) dans le cadre la première journée des éliminatoires de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2025. On aura une opposition entre deux équipes friandes de possession du cuir. Craignez-vous cette sélection marocaine ?

«Le Gabon ne craint aucune équipe sur le continent africain. Nous respectons toutes les équipes. Le Maroc est une équipe qui a certes des certitudes et une ossature qui est là depuis, il est vrai. Mais nous sommes arrivés à la tête de l’équipe du Gabon il y a dix mois. On travaille et nous sommes en train de bâtir un groupe compétitif, discipliné et sur d’autres aspects. Je pense que le match contre le Maroc sera pour nous une sorte de bouée d’oxygène pour notre parcours dans ces éliminatoires. Nous allons commencer par une grande équipe chez elle et il sera important qu’on prenne ce match par le bon bout. La seule interrogation que nous avons se situe au niveau de la condition des joueurs. Nous avons beaucoup de joueurs qui n’ont pas de clubs ou qui ont changé de club. Et qui ont donc besoin d’un temps d’adaptation, mais ça c’est généralement le problème des matchs programmés au mois de septembre. Mais il est clairement défini que nous avons nos chances dans ce groupe, et il ne faut pas oublier que c’est un objectif primordial pour nous».

On a très vite vu, dès votre arrivée, votre philosophie de jeu basée notamment sur la possession du ballon. Y a-t-il d’autres aspects que vous pensez encore devoir améliorer pour la suite ?

«Oui effectivement. C’est cela même l’avantage et l’inconvénient du football. Il faut toujours être en progression. Aujourd’hui nous avons besoin de nous améliorer dans notre jeu de possession. Nous l’avons fait lors de nos dernières sorties mais c’était intermittent. Ce qui n’est pas satisfaisant à notre niveau. Nous devons améliorer notre possession, notre jeu positionnel, notre capacité à presser, notre agressivité positive, ainsi que notre capacité à défendre parce que, depuis notre arrivée, nous avons encaissé au moins un but par match. Ce qui n’est pas bon pour une équipe qui veut aller loin. Mais à côté de cela, il faut aussi dire qu’il y a eu de très belles choses. Avec l’intégration de nouveaux joueurs à chaque regroupement, cela incite à repartir au niveau des principes et fondamentaux. Nous sommes arrivés avec trois systèmes de jeu, et aujourd’hui, on peut dire qu’on a un système de jeu privilégié qui devrait être le 4-3-3, mais il existe des alternatives».

Le secteur défensif semble être celui qui cause encore quelques inquiétudes, surtout que certains piliers ont pris de l’âge. On pense notamment à Bruno Ecuélé Manga qui n’a plus ses jambes de dix-huit ans. Que comptez-vous faire pour remédier à cela ?

«Quand on prend beaucoup de buts, effectivement on se dit que la défense n’est pas bonne. On l’a dit à notre arrivée, notre objectif était de défendre à onze. Nos premiers défenseurs doivent être nos attaquants, sauf que ces derniers temps, nous avons été laxistes à ce niveau, notamment à Korhogo en Côte d’Ivoire et contre la Gambie où nous avons moins bien défendu. Le contre-pressing n’a pas été bon, mais après, je ne fais pas particulièrement des fixations sur des individualités. Pour moi, Bruno Ecuélé Manga n’est pas au bord de la retraite. Il arrêtera quand il le voudra et quand il ne sera plus performant. C’est un joueur performant et nous avons construit cette équipe autour de Bruno Ecuélé Manga, Aaron Appindangoye, Pierre Emerick Aubameyang et Mario Lémina qui sont là, qui sont des capitaines, ainsi que Denis Bouanga, un garçon introverti avec une importance dans le groupe. Pour le cas de Bruno Ecuele Manga, nous sommes dans une sorte de course contre la montre pour lui trouver un club. Ce qui, à mon sens, ne constitue pas un frein à sa présélection pour le mois de septembre. Ce dernier travaille beaucoup. On a mis à sa disposition une partie du staff technique de la sélection nationale pour faire le maintien de sa condition physique. C’est un joueur qui, en raison de son âge, a besoin de répéter des efforts pour garder une certaine mobilité».

Vos premières prises de paroles à votre arrivée ont été diversement appréciées et interprétées dans l’opinion. Il s’en est même suivi une polémique concernant la nature de vos rapports avec Pierre Emerick Aubameyang. Qu’en est-il réellement et quelle est la nature de vos rapports avec ce dernier ?

«Avec Auba, (Aubameyang), j’ai des rapports d’entraîneur à joueur. D’oncle à neveu, de grand frère à petit frère. Les rapports que j’ai avec lui sont les mêmes que j’ai avec les autres joueurs de l’équipe. Nous-mêmes sommes agréablement surpris de l’état d’esprit que lui et d’autres joueurs ont en équipe nationale. Beaucoup de choses ont été dites à notre arrivée, et lui-même l’a dit dans une interview. Quand ça a été tiré au clair, on a tous su profiter de l’éclat de ce joueur qui n’est plus à présenter. On n’a jamais eu de problème particulier avec Pierre-Emerick Aubameyang. Quand nous sommes arrivés, l’équipe nationale avait besoin d’assainissement surtout sur le plan disciplinaire et comportemental.
L’équipe nationale est une institution. Pour restaurer une institution, il faut des actes, et des actes ont été posés dans ce sens. Nous n’avons pas mis certains joueurs à l’écart. Les gens se sont mis à l’écart parce qu’ils n’étaient pas en phase avec ce qu’on veut mettre en place. Ce qui n’était pas le cas de Pierre-Emerick Aubameyang. Il n’a certes pas fait le premier regroupement, mais il était dans une phase où il avait besoin de se concentrer dans son club à Marseille, gagner de la confiance et nous avons vu ce qu’il a pu faire par la suite. C’est un joueur essentiel pour l’équipe nationale du Gabon, et c’est un joueur que tous les entraîneurs au monde aimeraient avoir. Nous n’étions pas capables de nous passer de ses services, mais il fallait au moins discuter avec lui et s’accorder sur un certain nombre de choses. Notamment le brassard, sa position, comment il joue, comment nous jouerons et comment interférer avec les autres. Et il nous a agréablement surpris, je tiens encore à le redire».

Certains joueurs écartés du groupe pour indiscipline, cas notamment de Didier Ibrahim Ndong qui est sorti de sa retraite internationale et a dit vouloir encore jouer pour le Gabon. La porte lui est-elle toujours ouverte à lui et aux autres ?

«Nous n’avons jamais fermé la porte à personne en équipe nationale. Ni moi, ni les managers généraux, encore moins un membre de mon staff. Je pense que certains se sont fermés la porte eux-mêmes de l’intérieur et ont jeté la clé. C’est à eux de retrouver la clé, l’ouvrir et pouvoir sortir de leur confinement. Si vous repartez un peu en arrière, vous aurez les affirmations de ces joueurs. Ce qu’ils ont dit et ce qu’ils ont fait pour qu’ils ne soient pas ici. Après, certainement que les garde-fous que nous avons mis autour de l’équipe sont incompatibles avec leur façon de penser sur le plan disciplinaire. Sur le plan technico-tactique, l’équipe nationale n’a pas vocation à prendre tous les grands joueurs ou tous les joueurs en forme. L’ équipe nationale a besoin de profils. Ensuite, nous avons la capacité de prendre les joueurs qui peuvent jouer les uns avec les autres. Et je pense qu’à ce jour, certains sont dans cette incapacité. Dire cela, ce n’est pas manquer de respect à certains joueurs. Si d’aucuns ont pu profiter dix à quinze ans de cette sélection nationale, cela voudrait dire qu’on peut aussi donner la chance à d’autres Gabonais qui ont de la qualité, qui ont de l’envie et un état d’esprit constructif. Aujourd’hui, nous sommes en phase avec ce que nous avons voulu mettre depuis notre arrivée. Nous n’avons fermé la porte à personne».

Y a-t-il une hiérarchie qui s’installe au poste de gardien de but ?

«Il y a des choses que vous pouvez décider, mais la nature vous rattrape. Aujourd’hui, il y a un garçon qui est arrivé et qui a fait deux matchs de suite. La logique aurait voulu que si on continuait, ce soit lui qui continua parce qu’au poste spécifique de gardien, je ne prends pas la décision seul. Je la prends en amont avec l’entraîneur des gardiens, qui les convoque, travaille avec eux et me dit à la veille du match que c’est untel qui doit jouer. Ensuite, moi je ne fais que donner la consigne sur le plan technique. On devrait appeler d’autres gardiens qui étaient déjà là au mois de septembre dernier. Le but ici c’est de prendre des gardiens de qualité. Nous devons avoir des gardiens compétitifs et à partir de là, l’entraîneur des gardiens pourra décider de qui est numéro 1, 2 ou 3».

Les supporters de l’équipe nationale auraient souhaité voir le jeune Noha Lémina faire ses premiers pas lors du dernier rassemblement de l’équipe. Notamment contre la Côte d’Ivoire et la Gambie, mais ce dernier a dû déclarer forfait à cause d’une blessure. Peut-on espérer voir lors du prochain rassemblement d’autres jeunes convoqués ?

«Depuis que nous sommes arrivés, nous avons réussi à ramener dix-huit nouveaux joueurs. Ce n’est pas rien en dix mois lorsque certains fonctionnaient avec vingt-six et c’étaient les mêmes à chaque fois. L’ objectif ici est d’essayer d’apporter de la fraîcheur à certains postes. Nous avons décelé des joueurs et nous continuons à le faire. Nous allons peut-être initié, d’ici là, une autre tournée de supervision pour ramener d’autres joueurs, et il faut aussi observer ces garçons dans leur environnement. Les laisser compétir pour être performants et ensuite les amener en équipe nationale. Pour ce qui est de Noha Lemina, ce dernier a été présélectionné au mois de juin. Il n’a pas pu être là en raison d’une blessure. Il a signé dans un nouveau club. Il faudra voir comment il interagit dans sa nouvelle équipe. Il nous faudra faire un déplacement à Annecy avant de le convoquer à nouveau, parce que nous avons besoin de nous rassurer et de voir comment il évolue. C’est un garçon qui a un fort potentiel, C’est un très bon joueur, mais il lui faut un temps d’adaptation autant en club qu’en équipe nationale. Ce qui est valable pour Noha Lemina l’est aussi pour tous les autres joueurs que nous avons ramenés. Le seul regret que nous avons, c’est qu’il n’y ait pas un championnat sur le plan local, mais aussi des catégories de jeunes. En ayant des catégories de jeunes, on aurait pu permettre aux moins de 20 ans de jouer. Ce qui serait notre antichambre pour prendre quelques joueurs et savoir où on va».

Qu’en est-il de la situation contractuelle de vos collaborateurs ?

«Cela va bientôt faire dix mois que mon staff technique n’a toujours pas de contrat. C’est une situation gênante, même si le Président de la République, lors de notre dernier match à Franceville, a bien voulu régulariser l’attente au plan de la dette. En réalité, ce dont ils ont besoin c’est une sécurité sociale. Avoir un contrat et un numéro de sécurité sociale. Mais ça aussi c’est le problème de notre football. Les entraîneurs et les joueurs n’ont pas de statut, alors que ce sont des travailleurs comme d’autres. Le sport, et le football particulièrement, brasse énormément d’argent, mais il est difficile de comprendre que les premiers concernés ne soient pas sécurisés. Il faut qu’ils aient un statut, qu’ils cotisent afin qu’ils aient une retraite comme tout le monde. Pour un pays comme le nôtre, il faut qu’on sorte du football associatif. Car cela ressemble plus à de l’amusement. Nous sommes dans du divertissement. Ailleurs, le football génère énormément d’emplois. Si nous donnons aux footballeurs un emploi, on pourrait sortir plus de trois cent familles du chômage. Et il y a des métiers qui gravitent autour du football. Donc, on serait pratiquement à plus de 1000 postes créés en rapport avec le démarrage du Championnat national».

Qu’est ce que vous avez dit à vos joueurs lors de la pause face à la Gambie, alors que l’équipe était menée un but à zéro et semblait être en manque d’idées ?

«Depuis que nous sommes arrivés, on parle beaucoup de patriotisme, de nationalisme et de patrie. On se réapproprie notre pays, on veut faire des efforts pour notre pays car on en a pas un autre de rechange. On a dit aux joueurs que celui qui ne peut pas vouloir mourir pour l’équipe nationale n’a rien à faire ici. C’est comme nous les entraîneurs, nous sommes disposés, nous allons en stage, nous utilisons l’argent du contribuable. Dieu seul sait qu’il y a des priorités dans ce pays, mais depuis le coup de libération du 30 août dernier la mentalité a un peu changé dans le sens positif. Nous avons des ondes qui convergent et ces ondes vont jusqu’au sport. Et nous avons dit aux joueurs, nous étions menés, peinés, il y a eu la coupure. Pendant la coupure nous échangions sur ces choses. Perdre sur tapis vert, comment on pourrait être, comment sera notre peuple, sans oublier que c’était la première fois que le chef de l’Etat venait nous voir jouer. Nous avons donc changé le système de jeu, réajusté certaines choses et les joueurs étaient dans un état d’esprit conquérant. J’ai discuté avec Pierre Emerick Aubameyang, Denis Bouanga, et bien d’autres qui n’avaient qu’une seule envie ; que le courant revienne et qu’il se passe quelque chose. Il faut se souvenir que nous avions un contentieux sportif avec cette équipe Gambienne. Il y a quatre ans, notre équipe et notre drapeau avaient été maltraités en Gambie. On avait ça en tête et on avait besoin de nous réhabiliter. C’était important qu’on le fasse. Aujourd’hui je pense que c’est le deuxième match où nous sommes menés et on revient et on gagne. C’est un état d’esprit qui se met en place. Je ne suis pas en train de dire qu’il faut répéter cette dramaturgie mais il faudra que ça s’arrête et qu’on arrive à mieux contrôler nos matchs. Mais au niveau de l’état d’esprit c’est déjà quelque chose d’assez bien».

Un dernier mot pour conclure cet entretien ?

«Mon mot de fin va à l’endroit des décideurs sportifs. Il faut qu’il y ait le championnat. On ne peut pas continuer à mettre le curseur haut pour l’équipe nationale, vouloir aller à la CAN, à la Coupe du monde, s’il n’ y a pas de championnat. Ce sont ces clubs qui permettent aux équipes nationales de vivre. Et l’équipe nationale doit aussi vivre en comptant sur les petites catégories. Aujourd’hui, on ne peut pas mettre en place les catégories U20, U23, parce que les championnats sont arrêtés. Donc, il est important qu’on retrouve la capacité de jouer autant chez les garçons que chez les féminines. Ce qui sera déjà une bonne chose. Et que les staffs techniques de ces catégories soient mis en place et sécurisés parce que ce sont des gens aussi qui font un travail. Nous devons nous retrouver et redynamiser ce secteur. Car l’objectif principal c’est la qualification pour la CAN. Le Gabon ne peut se permettre de ne pas se qualifier à une CAN qui se jouera sur le sol d’un pays ami (Maroc). Il serait aussi important de réhabiliter le stade d’Akanda. Cela fait un bon moment que la sélection nationale n’a pas joué dans la province de l’Estuaire et cette ferveur manque à l’équipe. Lorsque les joueurs sont en difficulté, ils ont souvent besoin de ce douzième homme. Évidemment qu’on le retrouve à Franceville parce qu’il y a une certaine méthode pour attirer les supporters au stade, mais à Libreville cela se fait naturellement. Il serait donc important qu’on retrouve ces choses-là et que, demain, on puisse ensemble célébrer une qualification à la Coupe d’Afrique des Nations ».

Entretien réalisé par Fusher Edzang/FSS

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