Jean Claude Mpaka, homme de culture avisé, décrypte le contenu de cette fiction, «Mami Wata, Le Mystère d’Iveza», une série tournée entièrement au Gabon et diffusée chaque lundi soir sur Canal+ depuis le 15 Novembre dernier. L’auteur rend également hommage à sa réalisatrice Samantha Biffot.
Il y a le temps avant la révolution, il y a le temps pendant la révolution et il y a le temps après la révolution. 1995 fut l’année où le continent a célébré les 100 ans du cinéma africain, sous le thème : «Consolidons l’œuvre des pionniers ». Car, le cinéma africain a connu un parcours plutôt contrasté tout au long du 20e siècle, et en ce début du 21e siècle. En effet, du film ethnographique avec le réalisateur Français Jean Rouch, on est passé au film historique avec le Sénégalais Sembene Ousmane, avant que les genres ne s’éclatent avec Henri Duparc de la Côte d’Ivoire ou Mwezé Ngangura de la République Démocratique du Congo (Ex-Zaïre). Quelles que soient les époques pourtant, ce cinéma a été coupé du large public.
En mettant « Les petits plats dans les grands» le lundi 15 novembre 2021 dernier à 20 heures 30 minutes, la chaîne internationale de télévision française Canal+ a fait un clin d’œil gagnant à son immense public mondial, et particulièrement gabonais, pour faire la part belle à « Mami Wata, le Mystère d’Iveza » dont elle avait auparavant diffusé des extraits à petites doses bien calculées sur ses antennes. C’est une Série télévisée gabonaise qui met en exergue principalement le travail de la réalisatrice Samantha Biffot, et des acteurs nationaux toutes générations confondues, aux talents immenses.
Les musiques sublimes du film étant l’œuvre du chef ‘’ I-pku ’’ Mbadinga basé en Tunisie. On ne peut s’étonner alors que « Mami Wata, le Mystère d’Iveza » ait reçu le 2ème prix dans la catégorie « Meilleure série télévisée » à la 27ème édition du FESPACO de cette année au Burkina-Faso, le Pays des Hommes Intègres.
En tissant la trame du film sur « Le Mystère d’Iveza », Samantha Biffot remet à l’ordre du jour le thème de l’année 2007 de ce festival très connu pour être le plus grand en Afrique, le FESPACO : «Cinéma africain et diversité culturelle ». Et pour cause, dans un monde où le multimédia est désormais roi, la quête identitaire ne peut se mener sans promotion des modèles auxquels les jeunes particulièrement s’identifient. Or, trop souvent, les films que nous consommons avec frénésie, charriés par le Nord vers l’Afrique, ne nous réconcilient pas avec nous-mêmes, dès lors qu’ils ne mettent en scène que des acteurs blancs, n’ayant rien en commun avec notre vécu.
« Mami Wata, le Mystère d’Iveza » fascine autant qu’il terrifie, est à l’image même de l’Afrique d’aujourd’hui, qui vit ses joies et ses peines. Une Afrique où les communautés éprouvent beaucoup de mal à coller au temps certes, mais une Afrique qui se bat comme elle peut, souvent avec des fortunes diverses. Pourtant, avec une volonté manifeste de s’en sortir. Une réalité à considérer comme le reflet d’une étape sur le très long cours de l’histoire des civilisations du monde. Car, l’instinct de créativité ne se sent pousser des ailes que face à l’adversité.
Passer d’un monde déstabilisé par le fait historique et devoir sauter pieds joints dans la modernité, n’est pas donné. Cependant, il ne faut jamais oublier que le bonheur, le but ultime de la vie, c’est « Le miel et le vinaigre », buts par intermittence durant tout le chemin de l’existence. Il n’est donc plus étonnant que cette Afrique soit symbolisée par un médaillon dont le côté face représente le paradis et pile, l’enfer.
C’est un lit de convergences variées et diverses. A l’image même de Samantha Biffot qui a grandi entre l’Afrique, l’Europe et l’Asie. Elle aussi étudié au Gabon, en France, en Angleterre et en Corée, et doit réaliser un équilibre avec tous ces apports culturels l’ayant façonnée psychologiquement et spirituellement. C’est la condition inaliénable qui donne accès à une vie pleine, taillée sur la dimension universelle.
En effet, la prise en compte de la dimension culturelle par les Etats est essentielle dans le processus de développement pluriel de tout peuple, et de toute nation en devenir. Elle seule façonne une vision apaisée du monde. Elle seule permet d’asseoir un registre de valeurs sociales conférant un signifié cohérent aux choses. D’autant que le développement communautaire n’est que l’agencement harmonieux des divers éléments caractéristiques d’un environnement dans le dessein vital de s’y adapter.
Cet impératif est le bien-fondé qu’en Afrique, chaque culture à l’échelle planétaire, est égale à n’importe quelle autre. La gestion de ce pan spécifique à chaque peuple du monde, ne peut demeurer l’apanage exclusif des Instituts ou Centres culturels français, américains, anglais, allemands, espagnols ou belges. Mais plutôt une prérogative inaliénable des maisons de la culture locale, propres à chaque pays du continent, tant dans les milieux urbains que ruraux.
A nos postes de télé donc tous les lundis à 20h30 sur les chaînes Canal+ pour nous délecter des épisodes successifs de « Mami Wata, le Mystère d’Iveza ». Car, si sur les autres continents, le cinéma a ses Spike Lee, Euzhan Palcy ou Roman Polanski, émerveillons-nous désormais d’avoir notre Samantha Biffot « nationale », dont les réalisations sont bien dignes d’Hollywood, selon maitre Fidèle Gomes. Suspense et jeu d’acteurs garantis.
Jean Claude Mpaka
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