LIBREVILLE, le 20 mai 2025 (AGP)- À l’occasion de la Journée internationale des abeilles ce 20 mai 2025, l’Agence Gabonaise de Presse a interrogé le Dr Edgard C. Fabre Anguilet, Chargé de Recherche CAMES et Directeur adjoint de l’Institut de Recherches Technologiques (IRT) au Centre National de Recherche Scientifique et Technologique (CENAREST). Scientifique et expert en apiculture, le Dr Anguilet a dédié sa carrière à la préservation, l’étude et l’exploitation durable des abeilles sociales, notamment les espèces Apis et Mélipones. Il nous éclaire aujourd’hui sur le rôle crucial de ces insectes.
AGP : Quel rôle les abeilles jouent-elles dans l’équilibre de la biodiversité et dans le secteur de l’agriculture ?
Dr Edgard C. Fabre Anguilet : Les abeilles sont fondamentales pour la biodiversité et l’agriculture grâce à la pollinisation, un processus essentiel à la reproduction des plantes. Elles facilitent la reproduction de milliers d’espèces végétales, contribuant ainsi au renouvellement de la flore et à la diversité génétique. En agriculture, l’organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) estime que les abeilles sont responsables de plus de 80 % de la pollinisation des plantes à fleurs dans le monde. Leur activité soutient directement plus d’un tiers de la production alimentaire mondiale, en particulier pour les fruits, légumes, noix, graines et oléagineux. En agriculture, les abeilles améliorent également la qualité des produits (fruits mieux formés, graines plus viables) et augmentent les rendements, parfois de 10 à 50 % selon les cultures et les conditions environnementales. Elles favorisent aussi une agriculture durable, moins dépendante d’intrants chimiques, grâce à leur contribution naturelle aux cycles biologiques.
Quelles sont les principales espèces d’abeilles présentes au Gabon ?
Le Gabon compte plus de 170 espèces d’abeilles décrites, principalement des Apidae. Parmi les seize espèces sociales identifiées, qui produisent du miel, les plus connues sont : Apis mellifera adansonii, ou abeille à miel, connue pour son agressivité. C’est l’espèce élevée en apiculture au Gabon pour la production de miel et elle est également répandue en Afrique de l’Ouest. Meliponula bocandei, une abeille sans dard qui produit le « miel doux », récolté traditionnellement en forêt. Non agressive, elle vit dans des troncs d’arbres ou des cavités naturelles. Son miel, très apprécié pour ses propriétés médicinales, est utilisé dans la pharmacopée traditionnelle. L’espèce Dactylurina staudingeri, agressive, construit son nid en forme de boule de résine et de cire. La colonie de cette espèce d’abeille est souvent accrochée à l’entrée des maisons dans de nombreux villages du Gabon, utilisée comme protection contre les sorciers et les attaques mystiques. L’espèce Hypotrigona gribodoi, plus connue au Gabon sous le nom de « moucheron », cette minuscule abeille sans dard est fréquente dans les maisons rurales en terre battue ou en planches. Son nid se distingue par un tube de cire visible à l’entrée des cavités. Elle est attirée par les sécrétions humaines (sueur, larmes, cérumen), ce qui peut expliquer le sentiment d’agacement souvent ressenti en forêt lorsque ces abeilles se posent sur les yeux ou les oreilles.
Pourquoi ces espèces sont-elles importantes ?
La diversité des espèces d’abeilles sociales au Gabon est essentielle à la fois pour la pollinisation des plantes sauvages et cultivées, mais aussi pour le développement économique local à travers la production de miel et autres produits de la ruche. De plus, leur rôle dans la transmission des savoirs traditionnels et leur intégration dans les croyances culturelles témoignent de l’importance de leur préservation. Pour cela, une meilleure connaissance de leur écologie, de leurs habitats et de leurs interactions avec les communautés humaines pourrait contribuer à formuler une stratégie de valorisation et de conservation adaptée.
Existe-t-il des espèces endémiques ?
Bien que la majorité des espèces recensées soient présentes dans d’autres pays du Bassin du Congo, le Gabon présente un fort potentiel d’endémisme en raison de sa richesse biologique et de la diversité de ses écosystèmes. Un inventaire exhaustif est nécessaire pour identifier ces espèces uniques, ce qui permettrait de mieux comprendre l’écologie locale, de renforcer la protection des habitats et d’adapter l’apiculture aux conditions gabonaises.
Quels enseignements pourrions-nous tirer de la découverte d’espèces endémiques ?
La découverte et la caractérisation d’espèces endémiques permettraient de mieux comprendre l’écologie locale, de renforcer la protection des habitats et d’adapter l’apiculture aux conditions gabonaises. Il est donc crucial de soutenir la recherche taxonomique et écologique.
Le 20 mai, on célèbre la Journée mondiale des abeilles, le thème de cette année est : « Butinons les idées de la nature ». Que vous inspire ce thème ?
Le thème de la Journée mondiale des abeilles, “Butinons les idées de la nature”, invite à l’humilité et à l’inspiration face à l’ingéniosité naturelle des abeilles. Leur organisation sociale et leur rôle écologique illustrent la biomimétique. Ce thème est aussi un appel à la conservation : la disparition des abeilles représente une perte écologique, économique et de connaissances potentielles. Protéger les abeilles, c’est préserver une source précieuse d’inspiration pour l’avenir.
Quelle stratégie est mise en place pour la protection des abeilles au Gabon ?
Actuellement, le Gabon ne dispose pas de stratégie spécifique pour la protection des abeilles. Cependant, les politiques de conservation des écosystèmes, comme la création de parcs nationaux et la lutte contre la déforestation, contribuent indirectement à préserver leurs habitats. Une stratégie nationale claire et intégrée pour la gestion durable des abeilles et autres pollinisateurs est cependant jugée urgente, étant donné leur rôle écologique et économique fondamental.
CM/CBM/WM/EN/AGP
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