LIBREVILLE, 24 septembre 2025 (AGP) – Dans cet entretien accordé à la rédaction de l’Agence gabonaise de presse (AGP), le docteur en écologie marine, Jean Hervé Mve Beh (JHMB), par ailleurs point focal national de la Convention Ramsar sur les Zones humides et Directeur général des Écosystèmes aquatiques au ministère des Eaux et Forêts, revient sur la définition du lac et de son enjeu socioéconomique au Gabon.
AGP : Techniquement, comment définissez-vous un lac ?
JHMB : Le lac, formé dans une dépression du sol, est une grande étendue d’eau permanente et stagnante. Généralement d’eau douce, les lacs sont alimentés par les précipitations, les eaux souterraines, les rivières, les ruisseaux et la fonte des glaciers. On compte aussi des lacs salés, qui ne communiquent pas avec l’océan, communément appelés “mers”, comme la mer Morte située en Israël. Il existe également des lacs créés artificiellement par l’homme.
Quels types en possede-t-on au Gabon ?
On a principalement deux types de lacs à savoir les lacs fluviaux, associés aux cours inférieurs des grandes rivières et fleuves dont le réseau le plus connu est celui des lacs du Bas Ogooué avec notamment les lacs Onangue, Azingo, Ezanga, Gomé, Anengue etc. Et, les lacs anthropiques, tels que Kinguele, Poubara, qui sont des barrages pour la fourniture en électricité. Par ailleurs, l’exploitation des agrégats a contribué à la formation du lac de Nzeng Ayong. Malheureusement faute d’inventaire, nous ne pouvons aujourd’hui fournir un nombre précis de nos lacs.
Quel est l’enjeu économique de ces espaces aquatiques et leur rôle dans l’écosystème ?
Les lacs du Gabon sont le siège de nombreuses activités économiques dont la pêche et ses activités connexes (fumage et salage de poissons) et la chasse. Ainsi, la zone des lacs du Moyen-Ogooué est l’une des plus grandes pêcheries continentales du Gabon. Tout comme une pêcherie majeure est en cours de développement dans le lac de Poubara à Franceville. À cela s’ajoute l’écotourisme autour du lac bleu de Mouila. Ils sont des écosystèmes essentiels, qui participent à la séquestration du carbone et assurent les services culturels. En outre, ils fournissent une gamme de biens et de services écosystémiques, notamment l’approvisionnement en eau et en nourriture pour les populations gabonaises et les animaux sauvages. Ils constituent aussi des habitats uniques pour les espèces menacées comme les lamantins, les hippopotames et les oiseaux d’eau migrateurs. Les lacs sont également une barrière-tampon contre les inondations et les sécheresses.
Quelles menaces subissent les lacs gabonais et quelle action doit être menée pour leur protection et leur valorisation ?
Malheureusement, à l’instar des autres pays, nos lacs sont aujourd’hui menacés par la prolifération des activités anthropiques en particulier par le changement d’affectation des terres, l’urbanisation croissante et l’expansion agricole. Ils restent exposés à toute forme de pollution comme l’eutrophisation, la toxicité chimique et métallique, les déchets plastiques et autres déchets et le changement climatique. Partant du principe que l’on ne préserve et ne valorise bien que ce que l’on connaît, il nous faut d’abord avoir un inventaire aussi complet que possible de l’ensemble de nos lacs, leurs biodiversités associées et leur fonctionnement. C’est sur la base de l’ensemble de ces informations que des décisions idoines pour exploiter, préserver et valoriser ces milieux seront prises. La sensibilisation des populations et des acteurs est aussi importante. Cela permettrait d’attirer l’attention sur ces milieux très fragiles de sorte que les acteurs, qui les exploitent, s’adaptent et s’ajustent à cet écosystème afin que les lacs continuent à rendre l’ensemble des services écosystémique et bien aux générations futures.
Propos recueillis par Charlène MOUBOULOU /WM/AGP.

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