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Gabon/Crise au PDG : «Le camp qui sortira vainqueur devra faire du renouvellement de sa pratique politique une des conditions de sa survie», dixit Dr André Adjo

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Dr André Adjo, Politologue GREPOD/IRSH/CENAREST.

LIBREVILLE, 28 juillet 2025 (AGP) – Le Parti démocratique gabonais (PDG) connaît depuis plusieurs semaines une crise sans précédent qui oppose les clans Ali Akbar Onanga Y’Obegue et Blaise Louembe, au point où l’affaire a été portée devant le Tribunal de première instance de Libreville. Interrogé sur cette crise aux allures de guerre de trône, le Dr André Adjo, expert politologue apporte des éclaircissements.

AGP : Deux clans revendiquent la présidence du Parti Démocratique Gabonais (PDG). Une première au sein de ce parti ! En tant que Politologue, que pensez-vous de cette situation ?

Dr André Adjo : «De façon générale, la perte du pouvoir par un parti politique produit un double effet : la perte de son influence au sein de la société d’une part, et les turbulences internes d’autre part. La situation actuelle du PDG illustre bien cette réalité. Mais les implications de la perte du pouvoir par le PDG sont encore plus édifiants parce qu’il a toujours été originellement et structurellement organisé sous le modèle du « cartel party » (Dick Katz, Peter Mair, 1995). Il s’agit d’un parti politique consubstantiellement rattaché à l’appareil d’Etat dont il a allègrement utilisé les ressources pour assurer sa propre survie.

Dès lors, dans ce nouveau contexte né après le 30 août 2023, le changement de nature et de rôle de l’Etat vis-à-vis du PDG a précipité ce dernier vers une conjoncture dans laquelle les relations de pouvoir à l’intérieur et à l’extérieur sont impactées. Par ailleurs, le PDG n’a jamais conquis le pouvoir. Il a été créé alors même que son fondateur était déjà président de la République. Cela a eu pour implications le recrutement et l’entretien d’une caste politique exclusivement dédiée à la conservation du pouvoir d’Etat, seul garantie d’accès à la rente et aux privilèges. Cela pose donc la question de l’absence d’une idéologie qui aurait servi de bouée de sauvetage dans le contexte actuel.

Derrière les prétextes liés au respect de la norme, les « Pédégistes » en sont réduits logiquement et fatalement à se livrer à un combat de personnes face à ce qui reste malgré tout un dilemme : s’allier ou s’opposer au Président Brice Clotaire Oligui Nguema. Les « cartel party » sont des invertébrés idéologiques qui s’exposent à la mort une fois que le centre de gravité du pouvoir leur échappe. Enfin, si la judiciarisation des « affaires » du PDG est enclenchée, le camp qui sortira vainqueur devra faire du renouvellement de sa pratique politique une des conditions de sa survie, bien au-delà des aspects liés aux résultats électoraux».

À deux mois des élections doublées, les deux tendances prévoient de présenter des candidats à cette échéance. La loi autorise-t-elle un parti politique à présenter des listes distinctes de candidats sous les mêmes couleurs ?

«Les deux camps qui revendiquent le contrôle du PDG prennent alors un risque qui ne peut se comprendre que dans un contexte de combat de personnes. En effet, les combats autres qu’idéologiques ont tendance à aveugler les acteurs et à obscurcir les perspectives pour l’ensemble du groupe. Pour répondre plus directement à votre question, présenter des listes distinctes de candidats sous les mêmes couleurs apparaît comme le choix d’un suicide collectif. La loi n°016/2025 relative aux partis politiques précise, entre autres, dans le premier alinéa de l’article 37, qu’un parti politique, c’est : une dénomination, un logo et le siège du parti. Pour le PDG, présenter des listes ayant les mêmes caractéristiques partisanes, c’est courir le risque de voir les organes électoraux ou encore la justice s’immiscer».

À quoi doit-on s’attendre pour la suite des événements ?

«Si les deux camps du PDG ne sont pas capables de s’entendre, cette situation va acter un bicéphalisme à la tête du parti, ou alors un prolongement d’une situation de scission. Dans ce cas, les dispositions de la loi relative aux partis politiques (article 64) qui concernent précisément la suspension des partis politiques pourraient peser sur l’avenir de cette entité politique. À ce stade, l’implication du ministère de l’Intérieur ou le recours à la justice est indépassable pour mettre fin à ce conflit de légitimité. L’issue judiciaire est encore plus facile si le PDG, tendance Blaise Louembe, dispose d’un document officiel qui acte la démission d’Ali Bongo. Il n’est pas inutile de préciser que tout cela se déroule dans l’indifférence de la majorité des Gabonais qui, par ailleurs, avait demandé la suspension de ce parti à l’issue du Dialogue National inclusif en avril 2024″.

Propos recueillis par TYM/WM/FSS/AGP

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