LIBREVILLE, 22 juil 2025 (AGP)- Dans un entretien exclusif accordé à notre Rédaction, la Directrice Générale de Clean Africa, Anémone Ntoma Mengome, expose les grandes orientations et réformes engagées pour moderniser la gestion des déchets au Gabon, élargir les activités de l’entreprise, renforcer la valorisation des déchets et sensibiliser la population en faveur d’un environnement plus sain.
Propos recueillis par l’AGP
AGP : Madame la Directrice Générale, pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Anémone Ntoma Mengome : je suis Anémone Ntoma Mengome, née Roux, de nationalité gabonaise. Je suis titulaire d’une Maîtrise en Gestion Financière obtenue à Paris. J’ai débuté ma carrière en France, où j’ai travaillé pendant trois ans en tant que Responsable Administrative et Financière au sein d’un groupe allemand, puis sept années comme directrice administrative et financière au sein d’un groupe anglais.
En 2013, animée par le désir de contribuer au développement de mon pays, j’ai choisi de rentrer au Gabon. De 2014 à 2019, j’ai assumé les responsabilités de Directrice Comptable et Financière au sein de la société d’État Clean Africa. J’ai ensuite été brièvement Directrice des Affaires Financières au Haut Commissariat à l’Environnement et à l’Amélioration du Cadre de Vie (HCECV) pendant six mois. Depuis décembre 2019, j’ai l’honneur de diriger Clean Africa en tant que Directrice Générale. Cette mission essentielle me permet, avec mes équipes, d’être au service de l’intérêt général de nos populations.
L’entreprise Clean Africa a lancé une campagne de sensibilisation. En quoi consiste-t-elle ?
La campagne de sensibilisation menée par Clean Africa s’adresse à l’ensemble de la population, avec pour objectif de promouvoir un changement durable des comportements en matière de gestion des déchets. Elle se décline à travers plusieurs canaux.
Dans les établissements scolaires, du primaire au secondaire, nous visons à sensibiliser les plus jeunes. Ces enfants étant les citoyens de demain, il est essentiel qu’ils intègrent dès maintenant les bons gestes, notamment le respect des jours et horaires de dépôt des déchets, ainsi que le tri sélectif. Un Gabon conscient et responsable se construit dès aujourd’hui dans les salles de classe.
Sur les réseaux sociaux, nous collaborons avec nos égéries engagées, le Journal d’Émeraude et le comédien Omar Defunzu, qui relaient régulièrement des messages de sensibilisation pour toucher un large public de manière ludique et percutante. Enfin, dans la presse écrite, à travers le quotidien L’Union et l’AGP, nous publions quotidiennement et hebdomadairement les jours et horaires de collecte dans les différents arrondissements de Libreville, afin d’informer au plus près les habitants et renforcer l’impact de notre communication. Par cette campagne multicanale, Clean Africa affirme son engagement en faveur d’un cadre de vie plus propre, plus sain, et plus respectueux de notre environnement commun.
Il s’agit donc d’une sensibilisation sur le ramassage des ordures. Est-ce qu’elle répond jusqu’ici à vos attentes ?
Je dois reconnaître que l’adhésion aux nouvelles consignes tarde à se généraliser. Toutefois, je reste convaincue que nos concitoyens attendent une plus grande rigueur de la part des autorités pour les inciter à les respecter. Pendant de nombreuses années, aucune directive claire n’était réellement formulée. Aujourd’hui, les règles sont établies, compréhensibles et accessibles. Il nous appartient désormais de renforcer notre communication, de multiplier les actions de sensibilisation, mais aussi de mettre en place des mécanismes de répression adaptés à l’encontre des citoyens qui persistent à ne pas se conformer aux règles. L’efficacité de notre action repose sur cet équilibre entre pédagogie et fermeté.
Sous votre magistère, Clean Africa est en pleine mutation. Pourriez-vous nous en préciser les motivations ?
Effectivement, Clean Africa est engagée dans une profonde transformation, avec la mise en œuvre de plusieurs activités complémentaires à notre cœur de métier, qui reste la collecte des ordures ménagères. Cette dynamique de diversification repose sur deux motivations essentielles : la réduction des volumes de déchets acheminés vers la décharge saturée de Mindoubé et la création d’emplois utiles et durables au service des populations.
Parmi les activités développées, on peut citer la fabrication locale de réceptacles tels que des bacs roulants et des bennes métalliques de 10 à 20 m³, destinés à améliorer l’efficacité de la collecte et à réduire notre dépendance aux importations. Nous nous occupons également de l’assainissement de plages, notamment celles du Débarcadère Jeanne Ebori et bassin Jeanne Ebori, de la plage de GPS, de la plage du KFC, du Vétérinaire, de Michel Marine et de la Sablière. De plus, nous développons la collecte sélective, qui permet de mieux valoriser les déchets recyclables, avec des filières structurées. Le plastique est trié et valorisé par nos partenaires en flocons, feuillards, bacs, bassines, etc. Les métaux, comme l’aluminium, sont transformés en lingots pour l’exportation, tandis que les rebuts ferreux sont refondus pour produire des barres de fer à usage local par des partenaires locaux. Le verre est broyé dans nos ateliers puis transformé en sable, utilisé notamment pour la fabrication de pavés. Enfin, le carton sera recyclé par un de nos partenaires en sacs en papier, offrant une alternative durable aux sacs plastiques à usage unique.
À travers ces initiatives, Clean Africa s’inscrit dans une démarche de transition vers une économie circulaire, limitant les entrants à la décharge publique, valorisant les ressources et répondant à la fois aux enjeux environnementaux, sociaux et économiques du Gabon.
Que pourriez-vous nous dire sur l’évolution du Centre de traitement et de valorisation des ordures ?
En 2021, la société d’État Clean Africa a initié une stratégie spécifique de développement du tri dans les zones sous sa compétence reposant sur plusieurs axes complémentaires. La caractérisation des déchets ménagers du Grand Libreville, réalisée en 2021, a permis d’évaluer le potentiel du gisement, avec des résultats actualisés et reconfirmés en 2024. Nous avons également procédé à l’évaluation des filières de valorisation locales, visant à garantir que chacune d’elles respecte les exigences de la réglementation en vigueur. L’adaptation du système de collecte a inclus l’introduction progressive de la collecte sélective dans certaines zones pilotes. Enfin, le développement des filières ayant prouvé leur efficacité a été encouragé par l’établissement de partenariats.
Ces initiatives ont abouti à la création du tout premier centre de tri du Grand Libreville. Bien que de taille encore modeste, cette installation a permis de valoriser plus de 500 tonnes de déchets et emploie actuellement 60 personnes à temps plein. De plus, elle a joué un rôle clé dans le renforcement des capacités locales en matière de gestion et de valorisation des déchets.
Fort de ces résultats, Clean Africa envisage la création d’un centre de valorisation et de traitement des déchets à plus grande échelle, et le développement de nouvelles filières adaptées aux contextes locaux, aux caractéristiques et au potentiel du gisement identifié. L’évolution du projet de Centre de Traitement et de Valorisation des Déchets (CTVD) s’inscrit dans une dynamique de modernisation urgente et nécessaire face à la saturation critique de la décharge de Mindoubé.
À ce titre, plusieurs discussions sont actuellement engagées entre les plus hautes autorités de l’État et des investisseurs, tant locaux qu’internationaux, afin de définir les modalités de mise en œuvre d’un système intégré de gestion des déchets, durable et conforme aux normes environnementales. Ces échanges visent à identifier la meilleure solution technico-financière pour construire un centre capable de réceptionner, trier, traiter, valoriser et éliminer les déchets du Grand Libreville dans une logique d’économie circulaire. Le site retenu pour ce projet structurant est Nkoltang, à proximité de la zone économique spéciale de Nkok. L’engagement politique est fort, et la volonté est réelle : doter Libreville d’une infrastructure de nouvelle génération au service de l’environnement, de la santé publique et du développement économique.
Pour faire tout ce travail, à combien s’élèvent les effectifs de l’entreprise ? Clean Africa dispose-t-il des profils requis ?
Pour mener à bien ses missions sur l’ensemble du Grand Libreville, Clean Africa mobilise environ 1 000 agents gabonais répartis sur plusieurs pôles d’activités opérationnelles. Environ 496 ripeurs et chauffeurs sont en charge de la collecte des ordures ménagères et du transfert vers la décharge publique de Mindoubé. Près de 77 agents de maintenance sont chargés de l’entretien du parc roulant et des équipements. Une centaine d’agents sont affectés au nettoyage des plages, assurant l’assainissement des sites littoraux stratégiques. Des agents sur le site de la décharge de Mindoubé sont chargés de la gestion quotidienne de l’enfouissement. Une supervision du terrain est assurée par plus d’une trentaine d’agents, et une centaine d’agents travaillent à la direction QHSE, incluant des agents de tri dédiés à la valorisation des déchets recyclables au niveau des plateformes de tri, ainsi que le personnel de l’infirmerie.
Clean Africa dispose des profils techniques, logistiques et administratifs requis pour assurer l’ensemble de ses missions. Pour s’arrimer à l’évolution des standards environnementaux, l’entreprise investit continuellement dans le renforcement des capacités, la formation continue de ses agents et le recrutement de nouveaux profils spécialisés, notamment en gestion des déchets, environnement, logistique urbaine et maintenance industrielle.
Dans votre politique d’expansion, est-ce que l’entreprise compte s’installer dans les chefs-lieux de province ?
Clean Africa, société détenue à 100 % par l’État gabonais, est le bras opérationnel de la politique nationale en matière de gestion des déchets ménagers et assimilés. À ce titre, notre mission est d’assurer un service public de qualité, contribuant à l’assainissement et à l’amélioration du cadre de vie des populations.
Notre déploiement s’est d’abord concentré sur le Grand Libreville, avec une présence active dans les communes de Libreville, d’Akanda, et du 3ᵉ arrondissement de Ntoum. Depuis avril 2023, nous avons étendu nos activités à la commune de Port-Gentil, où nous effectuons une collecte partielle à ce jour, et en mars 2024, nous nous sommes déployés dans la commune de Lambaréné.
Cette stratégie d’expansion s’inscrit dans la vision de l’État, qui souhaite que Clean Africa soit progressivement présente dans l’ensemble des chefs-lieux de province, afin de garantir un service homogène et structuré sur tout le territoire national. Ce déploiement se fait de manière progressive, en tenant compte des réalités locales, des infrastructures disponibles, et de la volonté des collectivités de s’inscrire dans un partenariat avec l’État.
Un dernier mot pour nos lecteurs ?
Une ville propre, c’est l’affaire de tout le monde. En matière de collecte des déchets : les mairies doivent établir des règles claires et veiller à ce qu’elles soient respectées ; les habitants doivent sortir leurs ordures aux bons jours et aux bonnes heures ; et nous, Clean Africa, devons faire notre travail de collecte correctement et à temps. N’oublions pas que le balayage des rues, le curage des caniveaux et l’entretien des espaces publics font aussi partie intégrante de la propreté de notre ville.
Chacun a un rôle à jouer. Si l’un fait défaut, c’est toute la ville qui en paie le prix : insalubrité, maladies, dégradation de l’image urbaine. Alors, unissons nos efforts. Travaillons main dans la main pour garder Libreville propre.
Propreté = Santé + Dignité + Fierté. Aidez-nous à garder notre ville propre !
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