Depuis quelques années déjà, il est observé une rareté de denrées alimentaires tirées de l’agriculture biologique dans les différents marchés d’Oyem, la capitale provinciale du Woleu-Ntem (Nord), plusieurs facteurs expliqueraient cet état de choses.
Il est six heures au grand marché de Ngouéma ce jeudi, et déjà c’est l’effervescence due au débarquement, par les véhicules à usage de Clando, de vendeuses, des femmes d’un certain âge, en provenance des différents cantons du département du Woleu. Elles viennent écouler les produits de leur labeur, constitués essentiellement de quelques régimes de banane, de manioc, de tubercules de tout genre (manioc, igname, taro), et de poissons d’eau douce.
Cependant, le manioc, principale denrée produite en quantité non négligeable localement, reste et de loin l’aliment le plus proposé à la vente par ces vaillantes gabonaises.
Mais déjà, les »Bayam » (terme d’origine camerounaise qui désigne les commerçants intermédiaires) s’emparent de la marchandise à des fins de spéculation.
Toutefois, contrairement à Bitam où ils sont bien plus nombreux, les »Bayam » n’ont pas encore investi totalement le marché de Ngouéma, n’empêche que leur présence se fait ressentir ici.
Un peu avant huit heures, arrivent progressivement le gros des commerçantes à proprement parler. Ce sont de jeunes gabonaises, la trentaine pour bon nombre d’entre elles. Elles sont propriétaires des grands étals et sont spécialisées dans la vente d’agrumes, de poisson fumé, des féculents et la banane (tous ces produits viennent du Cameroun, donc issus de l’agriculture intensive, donc industrielle).
Les commerçantes en question partent s’approvisionner les week-ends, soit au »marché mondial », soit à Kyossi, deux marchés situés en territoire camerounais. Il n’est un secret pour personne que c’est l’agriculture intensive qui est à l’origine de l’utilisation systématique de produits phytosanitaires (herbicides, insecticides, fongicides, etc.) dans l’agriculture. Les aliments, sans saveur, tirés de ce type d’agriculture, se retrouvent malheureusement dans nos assiettes, avec des conséquences sur le plan de la santé que bon nombre d’entre nous sont loin d’imaginer.
«Personne ne pratique plus l’agriculture biologique à grande échelle dans nos villages. Là-bas, il ne reste que les personnes âgées car les jeunes préfèrent venir vivre en ville, pour faire le commerce des denrées. Nous sommes forcément contraintes d’aller au Cameroun», se justifie cette jeune compatriote, E. Pélagie qui a décidé de faire du commerce son activité professionnelle depuis plusieurs années.
Et sa voisine qui a requis l’anonymat de renchérir. «Je vous assure que nous ne mangeons pas ces aliments qui n’ont pas de goût. Nous mangeons ce nous plantons nous mêmes, c’est naturel, c’est savoureux», affirme-t-elle, manifestement consciente des méfaits de ces aliments.
A juste titre d’ailleurs, d’autant que dans le principal marché de la capitale provinciale du Woleu-Ntem, outre les féculents et les agrumes mentionnés plus haut, les produits maraîchers (laitue, tomate, piment, oseille, folong, aubergine) en sont particulièrement concernés, car produits localement, c’est-à-dire à Oyem. Et c’est à ce niveau que transparaît ce que l’on peut appeler la »filière » burkinabé.
A Oyem, c’est par camions des »canters » selon nos sources, que les maraîchers burkinabés alimentent chaque jour les marchés de la capitale gabonaise.
La »filière » burkinabé serait, selon nos sources, un réseau d’immigration clandestine alimenté par un opérateur économique d’origine burkinabé, lui même immigré clandestin à l’origine, installé à Oyem depuis plusieurs années.
«Je le connais bien, il fait venir des jeunes gens de son pays, ils ont entre 20 et 30 ans. Il leur envoie de l’argent pour leur transport et la restauration, une fois à la frontière Gabon-Cameroun, ledit opérateur économique s’attache les services de gendarmes où policiers gabonais véreux qui leur font traverser la frontière’ jusqu’à Oyem», explique l’une de nos sources.
Selon nos informations, une fois sur place, ces hordes de burkinabé sont expédiés à travers les villages reculés du canton Woleu avec pour mission de louer moyennant de modiques sommes d’argent, des étendues de forêts, y planter, de village en village, le temps d’une moisson (3 à 4 mois) des produits maraîchers.
Par ailleurs, notons à cet effet que les notables et autres élus d’Oyem, s’alarmant de la présence de très nombreux jeunes burkinabés non identifiés par les autorités compétentes, étaient allés exprimer, l’année écoulée, leur préoccupation aux autorités de la République à Libreville, dont le président de l’Assemblée nationale et le Premier ministre.
N’empêche, l’agriculture intensive pratiquée par les ressortissants burkinabé, dans l’indifférence totale des autorités compétentes aussi bien dans la province de l’Estuaire qu’au Woleu-Ntem, pose un sérieux problème d’ores et déjà de santé publique, dont les répercussions se feront ressentir dans les années à venir, très certainement.
En effet, les pesticides, dont font usage les ressortissants burkinabé, pénètrent les sols et polluent les nappes d’eau phréatiques qui alimentent les cours d’eau consommée par les populations rurales. De plus, les terres où sont cultivées ces légumes deviennent arides, du fait de la pollution, pour plusieurs décennies et par conséquent inexploitables. Or, ces terres sont situées dans le domaine forestier rural relativement proches des villages et destiné et réservé à la jouissance desdites populations.
Le sol gabonais, faut-il le rappeler, est fertile de toute part et en toute saison, car le pays est serpenté d’une multitude de rivières, ruisseaux, fleuves et autres cours d’eau. Aux pouvoirs publics de mettre un terme à situation que nous évoquons.
Ernest Mvie Mendame/AGP
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