Allocution du président gabonais Ali Bongo Ondimba, à l’occasion du Débat général de la 77ème Assemblée générale des Nations-Unies, ce 22 Septembre 2022
« Mesdames et Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement,
Excellences, Mesdames et Messieurs,
Monsieur le Président,
Je vous adresse mes plus vives félicitations pour votre élection à la présidence de la 77ème Assemblée générale des Nations Unies et mes vœux les plus ardents de succès.
Je salue et adresse mes félicitations à votre prédécesseur, M. Abdulla SHAHID, pour l’engagement qu’il a démontré tout au long de la 76ème session.
Au Secrétaire général Antonio GUTERRES, je réitère le plein SOUTIEN de mon pays dans ses efforts au service de notre organisation.
Monsieur le Président,
Je me réjouis de prendre à nouveau la parole avec gravité parce que la situation l’exige. En effet, nous sommes à une période charnière du système international, alors que le monde se relève difficilement d’une pandémie et se trouve en proie à une crise multi-dimensionnelle.
L’émergence de nouveaux pôles d’influence entraîne une cristallisation et commande que nous privilégions un dialogue permanent en vue d’un consensus global, plutôt qu’un rapport de force, dans l’approche des questions antagonistes au sein du système multilatéral.
Face aux rivalités entre puissances et aux défis multiformes qui nous concernent tous, il serait dangereusement naïf de continuer à miser sur les rapports de force ou les postures unilatérales.
L’interdépendance des enjeux globaux et l’interconnexion des économies nationales nous exigent de dialoguer, afin de répondre de manière appropriée, et surtout collective, aux menaces les plus graves à la paix et à la sécurité internationales.
Nous sommes dans le dernier quart d’une année qui a vu les défis mondiaux s’amplifier, mettant à mal les efforts communs et individuels visant à mettre en œuvre les objectifs de développement durable à l’horizon 2030.
A moins de huit ans de l’échéance, il est crucial d’évaluer le parcours à l’aune de la menace que continue de faire peser la pandémie de la Covid-19 sur nos économies.
Une menace tout aussi insidieuse plane désormais sur nos économies. Cette menace c’est l’inflation. Partout dans le monde, l’inflation atteint de tristes records. Personne n’est épargné, les entreprises comme les ménages, le Nord comme le Sud. Ses effets sont dévastateurs.
Il nous faut donc agir. Individuellement, certes. C’est ce que le Gabon fait en subventionnant certains produits de première nécessité, en contrôlant les prix sur d’autres. Mais ici aussi, nous ne parviendrons à vaincre efficacement ce phénomène que si nous agissons collectivement, de manière coordonnée, en toute solidarité. C’est un défi de plus lancé à la face du monde. Nous devons ensemble, tous ensemble, le relever.
Monsieur le Président,
Alors que nous sortons de la tragédie et de l’inertie forcée de la pandémie de Covid-19 et que nous nous rouvrons au monde, cette année marque de nombreux nouveaux départs pour le Gabon. A ce jour, nous sommes le plus jeune membre du Commonwealth siégeant aux Nations Unies. Une famille qui abrite environ 2,5 milliards d’individus, soit un tiers de la population mondiale, avec des valeurs partagées de respect de la démocratie, des droits de l’Homme et du principe d’Etat de droit.
Mon pays élargit les horizons de nos citoyens et saisit la chance pour notre jeunesse à tirer profit des opportunités d’études, de voyages et d’établissement de relations d’affaires bien au-delà de nos propres frontières.
Dans le même temps, le Gabon prend sa place sur la scène mondiale – non de manière solitaire, mais en tant que nation africaine fière. Cependant, les problèmes auxquels notre monde est confronté aujourd’hui sont à l’échelle globale, tout comme les solutions y afférant. Nous devons tous être tournés vers l’extérieur et non vers l’intérieur, alors que nous affrontons les difficultés d’un monde où les ressources sont limitées et les populations en croissance.
Le mois courant, notre famille du Commonwealth a été profondément endeuillée par la perte de sa plus haute figure, Sa Majesté la Reine Elizabeth II. Grâce au principe d’unité qu’elle chérissait si profondément, la Reine a su offrir respect, amitié et conseils avisés à de nombreuses nations indépendantes du monde entier, petites ou grandes. Au cours de son règne, elle a promu la paix, la liberté et les valeurs communes, tout en encourageant l’esprit de coopération.
En tant que nouveau Chef du Commonwealth, Sa Majesté le Roi Charles III peut être assuré de mon plein soutien et de celui du peuple gabonais. Ami cher du Gabon depuis de nombreuses années, le Roi Charles III partage mon enthousiasme pour la protection de notre environnement naturel et de la biodiversité, ainsi que les préoccupations relatives aux questions climatiques mondiales dans un contexte durable.
Monsieur le Président,
Cinquante ans après la Conférence de Stockholm, l’humanité fait face à une crise environnementale sans précédent dont la dimension est triple : le changement climatique ; la crise d’extinction de la biodiversité et la pollution, notamment par les matières plastiques.
Pour ce qui est du climat, avec 88% de couverture forestière sur l’ensemble du territoire et une déforestation bien inférieure à 0,1%, le Gabon est par excellence un pays à haut potentiel, et à faible déforestation. Depuis la COP 15 de Copenhague, le Gabon a absorbé plus d’un milliard de tonnes de dioxyde de carbone en net. Nous absorbons chaque année plus de cent millions de tonnes de dioxyde de carbone de l’atmosphère.
Autrement dit, nous avons déjà atteint, voire dépassé, l’objectif de neutralité carbone de l’Accord de Paris. Nous comptons sur la création d’un marché de séquestration du carbone pour nous permettre de maintenir cette performance jusqu’en 2050 et bien au-delà.
Ensuite, je dois dire que je trouve la crise de la biodiversité extrêmement alarmante. La COP15 à Montréal sera un moment décisif pour l’humanité et il est essentiel que nous adoptions un cadre mondial ambitieux pour la biodiversité. L’heure est venue de passer des milliards aux trillions, en mobilisant 1 % du PIB mondial pour la Nature.
Enfin, la pollution est devenue un problème chronique dans nos villes, nos rivières et nos océans. Nous devons adopter sans plus tarder un accord international contraignant sur la pollution plastique, ainsi que le Traité sur la Haute Mer. Afin d’atteindre les objectifs de développement durable, nos accords internationaux et nos politiques nationales doivent tenir compte de l’interdépendance de ces crises.
Monsieur le Président,
Les menaces à la paix et à la sécurité internationales continuent d’augmenter de façon exponentielle. Face à la prolifération des groupes armés, restreindre leur accès aux armes sera au cœur des priorités de mon pays lors de notre présidence du Conseil de Sécurité des Nations Unies en octobre.
À cet égard, je voudrais réitérer l’appel de mon pays à un partenariat solide pour assurer une plus grande sécurité dans le golfe de Guinée. De nombreux pays sont confrontés à des crises humanitaires critiques, exacerbées par des conflits armés. C’est le cas en Ukraine, où la guerre a entraîné une aggravation de la situation de pays et de régions connaissant déjà des pénuries alimentaires. C’est pourquoi mon pays a clairement exprimé son opposition non seulement à cette guerre sanglante, mais à toute forme de guerre.
Le Gabon, qui n’a jamais connu de conflit armé, continuera de prôner et de privilégier le dialogue et la négociation plutôt que l’affrontement.
Monsieur le Président,
L’accès à l’éducation pour les enfants doit être considéré comme sacré. Je voudrais donc exprimer le soutien résolu de mon pays à la sanctuarisation des écoles et des lieux d’enseignement, notamment lors des conflits armés.
Compromettre l’éducation, signifie hypothéquer les générations futures. C’est dans cette optique que j’ai fait de la promotion des femmes et des jeunes une priorité essentielle. En 2015, j’ai lancé la Décennie de la Femme Gabonaise, qui vise à réserver une place de choix aux femmes et aux enfants dans tous les aspects de la gouvernance au Gabon.
Monsieur le Président,
L’internationalisme est à un tournant. Nous devons réformer l’ONU pour assurer une meilleure prise en compte des aspirations de l’Afrique. Cela vaut particulièrement pour le Conseil de Sécurité, où le rôle de l’Afrique doit être consolidé. L’Afrique a fait preuve de patience, et nous pensons qu’il est temps.
À la lumière de la forte interdépendance des nations, il est crucial que nous mettions fin au recours aux sanctions et que nous travaillions plutôt à construire des ponts de prospérité. À ce titre, je demande une fois de plus la levée totale de l’embargo qui frappe le Gouvernement et le peuple cubain, depuis plusieurs décennies. Inévitablement, les principales victimes de tout embargo sont les faibles et les vulnérables.
Au Moyen-Orient, le Gabon a toujours cru qu’une solution à binationale demeurait le seul moyen de parvenir à la paix et à la sécurité. Il est de la responsabilité de notre génération de résoudre ce problème. Pour conclure, Monsieur le Président, je voudrais réitérer l’attachement du Gabon aux principes et valeurs de solidarité au cœur de la Charte des Nations Unies.
Dans cet esprit, je réitère l’appel solennel de mon pays à tous les membres de la communauté internationale pour qu’ils respectent nos engagements communs afin d’assurer la paix, la sécurité et la dignité des peuples du monde.
Je vous remercie ».
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