L’Université gabonaise a été représentée, du 03 au 04 juin derniers à Lomé au Togo, par le Pr. Jean-François Owaye, au Colloque international en hommage à Me Yawovi Madji Agboyibo. L’enseignant au département d’Histoire de l’Université Omar Bongo a prononcé la leçon inaugurale, au cours de cette rencontre d’enseignants-chercheurs et autres politiques africains de haut vol.
Organisé par le centre de documentation de formation sur les droits de l’homme du Togo, le colloque international en hommage à Me Yawovi Madji Agboyibo, homme politique Togolais de renommée panafricaine et solide défenseur des droits et liberté humains, s’est tenu sur deux jours dans un hôtel à Lomé sous le thème : «Me Yawovi Agboyibo, histoire d’une vie et d’un temps (1943-2020)».
Cette rencontre de haut niveau a été une occasion offerte par les chercheurs du centre de documentation de formation sur les droits de l’homme (CFDH) du Togo et d’autres partenaires, notamment les universitaires, les enseignants-chercheurs ainsi que les politiques africains, pour revisiter les grands moments de la vie de cet ancien bâtonnier de l’ordre des avocats du Togo, et ancien Premier ministre. Il était aussi question pour ces historiens d’analyser la portée historique de son combat, sur les plans politique, culturel, intellectuel et idéologique.
Cinq panels ont constitué le cadre d’échanges durant ce rendez-vous qui a vu Jean-François Owaye, Professeur titulaire d’histoire contemporaine à l’Université Omar Bongo (Libreville, Gabon), responsable du Master Histoire des relations internationales, co-prononcer la leçon inaugurale de ce colloque historique avec le doyen Me Robert Dossou, célèbre acteur de la conférence nationale du Bénin, par ailleurs, ancien Président de la Cour constitutionnelle du Bénin.
S’appuyant sur sa communication relative à : «Me Yawovi Agboyibo, un acteur et témoin de son temps. Lux mea Lex», le Pr Jean-François Owaye, aux dires des participants, «s’est distingué par une prise de parole de très haut vol». Il a présenté Me Agboyibo sous deux angles : «acteur et témoin de son temps», et en a profité pour «revisiter la marche du Togo vers la démocratie depuis la Conférence nationale de 1991».
Le colloque a replongé dans l’histoire du Togo et de ses principaux acteurs. L’orateur a rappelé que : «Me Agboyibo était le premier Bâtonnier de l’Ordre des Avocats du Togo, le premier président et initiateur de la Commission nationale des droits de l’homme, l’ancien Premier ministre du gouvernement d’union nationale du Togo (2016-2017). Il a marqué, depuis 1990 à sa mort en mai 2020, la vie sociopolitique de son pays et l’histoire politique de l’Afrique».
Ce colloque a fait également ressortir «sa contribution décisive à la démocratie africaine (démocratie délibérative à l’africaine), à la profession d’Avocat et au droit subjectif sur le continent». Me Agboyibo, opposant modéré au régime du président Gnassingbe Eyadema, est considéré par la mémoire collective togolaise comme «le père putatif du renouveau démocratique au Togo». Ce personnage emblématique, éminent Avocat à qui le peuple togolais a rendu un virant hommage unanime à sa mort, est passé «à la prospérité comme celui qui a toujours promu le dialogue permanent en politique, notamment avec le régime du président Gnassingbe Eyadema, obtenant ainsi des résultats inespérés, tels que l’amnistie générale des prisonniers politiques, le retour des exilés politiques, la charte des partis politiques, l’instauration du multipartisme, le rétablissements des populations rurales sur leurs terres, entre autres».
Le fait marquant, du moins la singularité de ce colloque, a été la capacité des Universitaires à «restaurer les mémoires récentes, parfois discordantes des acteurs politiques au-delà des clivages idéologiques, de remettre au goût du jour la biographie historique, les parcours de vie, la contribution des acteurs de la vie politique africaine à la construction de la démocratie».
La bonne organisation du comité scientifique de ce colloque, supervisé par le Professeur Joseph Tigbe de l’Université de Lomé, a permis d’examiner plusieurs thématiques. A savoir : «l’Homme politique : parcours et contribution à la naissance et à l’avancée de la démocratie au Togo» ; «l’Avocat et le défenseur des droits humains»; «un Intellectuel produits de son temps ?»; «Agboyibo et les savoirs endogènes, l’Héritage de Me Agboyibo » ; «l’Homme du peuple et des valeurs africaines»; «l’Héritage et la dimension internationale de l’homme». C’est ainsi que Me Agboyibo apparait comme «un être multidimensionnel qui a influencé son temps».
La question de son héritage politique est désormais posée et des pistes ont été ouvertes par le panel composé d’Universitaires d’Afrique et d’Europe (Italie, France, Belgique, Suisse), des Juristes d’Africains, des Défenseurs des droits de l’homme, des témoins oculaires, des hommes et femmes des médias. Ainsi que des hommes politiques togolais, sans parti pris, réunis pour examiner son parcours, ses idées et ses méthodes politiques qui en n’ont fait «un personnage emblématique de l’histoire africaine» de ces trente dernières années.
Au terme du colloque, plusieurs recommandations ont été formulées, dont celles de sa réédition au Togo, et surtout, son implémentation dans d’autres pays africains. Le cas du Gabon a été jugé intéressant : les grands hommes de ce pays, tous bords politiques confondus, n’étant pas, jusqu’à présent, suffisamment interrogés par les Universitaires.
Mention spéciale au Professeur Jean-François Owaye qui a dignement représenté l’Université gabonaise à ces assises. Habitué des grandes messes intellectuelles africaines au sein de «la République universitaire» où, colloques après colloques, séminaires après séminaires, jurys de thèse après jurys, l’homme commence à engranger des lauriers de noblesse que lui octroient ses collègues historiens et les nombreux étudiants qu’il suit les travaux en Doctorat en Afrique et en France; façonnant, au passage, divers savoirs historiques nouveaux (résilience africaine, potentialisme africain, etc.), particulièrement dans les domaines de «l’histoire militaire et des Etudes de défense» dont il est le spécialiste.
Auteur d’une thèse d’Histoire militaire et Etudes de défense (Université Paul Valéry-Montpellier III) sur le système de défense du Gabon. Pr Owaye a, par ailleurs, été Conférencier à l’Ecole d’Etat-major de Libreville et Conseiller du président de la République. Membre du CTS/LHS du CAMES et point focal LMD/Gabon de la CEMAC, responsable du Master Histoire des Relations Internationales et responsable pédagogique du Doctorat d’Histoire des Relations Internationales à l’Université Omar Bongo (UOB).
Il a, à son actif, plusieurs publications scientifiques dont voici quelques titres : Sécurité nationale gabonaise. Introduction par les textes (1958-2000), Libreville, E.U.G, 268 P. ; (2010) ; La razzia et le « bellicisme fang » au XIXème siècle. Essai de déconstruction d’un stéréotype colonial, Libreville, PUG, Collection « corpus », 64 P. (2011) ; Guerre, Histoire et mythologie africaine, Paris, Mon Petit Editeur, 222 P. (2011) ; (avec J. OKOUNDZI) Okondja et sa région. Eléments d’un développement local, Libreville, P.U.G, 236 P. ; (2015) ; l’Exclusion de Paul- Marie INDJENDJET-GONDJOUT du Bloc Démocratique Gabonais. Un épisode de la rivalité politique avec Léon MBA MINKO, Paris, l’Harmattan, 289 P. ; (2015) ; (avec J. OKOUNDZI) Mgr Jérôme OKINDA et son temps. Fragments de vie et témoignages. Libreville, Ed. Lila, 517 P. ; (2016) ; La Route zéro au Gabon. Un cas de transportation-déportation en Afrique équatoriale (1887-1944), (2019).
Jean OSSIE OTOUNGA (Source Actes du Colloque)
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